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y avoir d’anciens méfaits qu’il serait presque injuste de punir aujourd’hui ; mais si l’on n’inflige pas à ces coupables, en supposant qu’il en existe, une peine afflictive, la prison, l’amende, que du moins leurs noms et leurs fautes soient dévoilés, qu’on les déclare incapables de remplir aucune fonction publique. À cette condition, la Grèce relèvera son honneur, tombé trop bas. L’Europe a les yeux sur elle ; il faut que le peuple hellène démontre qu’on n’a pas eu tort de lui donner l’indépendance, qu’il a la volonté ferme de devenir un foyer de civilisation en Orient. Il est à croire que le ministère de la justice ne manquera pas à ce devoir, car, après avoir jugé les assassins d’Oropos, on a réservé pour une seconde cause la question de complicité.

Enfin j’arrive au dernier moyen à employer, qui sera peut-être le plus efficace pour la destruction du brigandage : je veux dire les travaux publics. La Grèce n’a jamais eu de chemins, aussi a-t-elle toujours été en proie aux brigands. Ces Grecs d’autrefois, qui bâtissaient le Parthénon et le temple d’Olympie, avaient pour voyager d’une ville à l’autre les voies que les chars traçaient en passant ; il en existe encore des indices aux cols de certaines montagnes, là où le rocher a gardé l’empreinte des roues qui l’ont usé. Cette civilisation si brillante avait ses lacunes. On peut reconnaître sur le flanc des collines d’Athènes le grand chemin qui conduisait de la ville au Pirée entre les longs murs. Le moindre de nos piqueurs aurait honte d’avoir fait un pareil ouvrage. Quand vinrent les Romains, ils trouvèrent la Grèce dépeuplée, ses habitans étaient passés à Alexandrie et dans les autres villes du Levant. Comme le pays ne leur rapportait rien que des statues, des vases et d’autres objets d’art, ils ne s’inquiétèrent point de la circulation intérieure, et ils la laissèrent telle qu’ils l’avaient trouvée, tandis qu’ils construisaient une voie splendide à travers les provinces du nord. Les Francs du moyen âge ne pouvaient pas faire en Grèce ce qu’ils ne faisaient pas chez eux. Quant aux Turcs, ils construisirent dans le pays un certain nombre de ponts et de voies pavées dont certaines parties existent encore, mais à côté desquelles on avait soin de passer, parce qu’elles étaient trop raboteuses. Depuis la guerre de l’indépendance, la Grèce a construit quelques chemins, tous utiles, mais tous inachevés : ses finances ont souvent été mal gérées, de sorte que les fonds qui eussent pu servir à la construction des chemins ont été perdus. Les anciens avaient tenté plus de dix fois de couper l’isthme de Corinthe : ils avaient donc quelque idée de l’utilité de ce canal ; mais, pour des causes toujours nouvelles, ils n’ont pu accomplir cette œuvre. Il est certain que, si nos vapeurs doivent gagner quinze heures et ceux de l’Adriatique vingt-cinq sur le voyage de Constantinople, Rome avait un intérêt beaucoup plus grand encore