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Corinthe sera ouverte et l’isthme occupé par un grand nombre d’ouvriers, le Péloponnèse se trouvera gardé ; les malfaiteurs n’y pourront plus pénétrer que par mer, le long de rivages que le gouvernement hellénique est en état de garder par ses vaisseaux.

Deux ou trois voies rapides suffiraient donc à protéger efficacement le pays contre le fléau sous lequel il menace aujourd’hui de succomber. Si quelque bande se formait dans la contrée ou parvenait à franchir la frontière et les voies ferrées, celles-ci transporteraient aussitôt une multitude de soldats sur la place où il faudrait agir ; le pays se trouvant divisé en compartimens par le réseau des chemins, une bande y serait toujours confinée dans quelque quadrilatère d’où elle ne pourrait plus s’échapper. La confiance revenue, on ne verrait plus des traités entre des particuliers et des chefs de bande, des fermes régulièrement rançonnées, des hameaux envahis et dominés par des malfaiteurs, les cérémonies saintes profanées, des fils ou des frères d’hommes publics baptisant les enfans des bandits, toute la contrée honteuse et terrifiée, et l’Europe indignée.

Le lecteur demandera sans doute s’il y a quelque espoir que ce pays soit un jour accessible, et s’il est vraisemblable qu’on fasse un jour des canaux et des chemins de fer dans cette Grèce qui n’a jamais eu que des sentiers. Je puis répondre à cette question, et je le dois, car le lien le plus étroit la rattache à celle de la destruction du brigandage. Quant au canal de Corinthe, qui doit faire du Péloponnèse une île et assurer à cette riche péninsule la sécurité dont jouissent les îles de la mer Egée, il est concédé à une compagnie française. Les travaux en seraient commencés, si les malheureuses divisions politiques des Grecs avaient permis au gouvernement de convoquer la chambre et de lui demander l’approbation définitive du contrat. Les luttes des partis, dans lesquelles se débattent des intérêts personnels et non des doctrines, retardent tout dans ce pays. La chambre sera nécessairement convoquée cet hiver, on a lieu d’espérer qu’elle résoudra plusieurs questions de travaux publics en même temps qu’elle prendra les mesures nécessaires pour assurer la sécurité. Les choses en effet sont arrivées à un point qu’il est bon que l’on connaisse. Ceux qui forment l’opposition actuelle étaient au pouvoir pendant la triste insurrection de la Crète ; sous une apparence d’intérêt supérieur et de sentiment national, ils ont causé par cette guerre désastreuse tout le mal qu’il était possible de faire à leur pays. Ils l’ont miné dans ses finances, ils lui ont attiré de la part de l’Europe une sévère réprimande. Il se peut que leurs intentions fussent bonnes ; mais le résultat qu’ils ont atteint a été déplorable, et en politique il ne suffit pas de vouloir le bien. Si donc,