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Le souvenir de cette bataille, conservé par Tacite[1], est rappelé par un dessin familier, avec une inscription tracée à la pointe sur une muraille de Pompéi. Un gladiateur descend les degrés de l’amphithéâtre, il tient une palme ; de l’autre côté des gradins, deux personnages indiqués par quelques traits d’une main fort inexpérimentée semblent se battre. Au-dessous, on lit : « Ô Campaniens vainqueurs[2], vous êtes perdus aussi bien que les habitans de Nucéria. » En 1869, en déblayant une assez chétive maison de la rue qui va du temple d’Isis à l’amphithéâtre, M. Fiorelli trouva une peinture qui représentait l’amphithéâtre de Pompéi[3]. L’exécution de cette peinture est horriblement négligée, mais on distingue nettement, en vue cavalière, l’amphithéâtre avec ses gradins, ses escaliers extérieurs, que l’artiste a rendus avec une naïveté enfantine, le velarium tendu au sommet pour protéger les spectateurs contre le soleil. Derrière l’amphithéâtre se dressent les murs de la ville avec leurs tours ; devant, une place plantée d’arbres est couverte de baraques en bois dressées par les marchands ambulans à l’occasion des jeux ; à droite est un grand édifice rectangulaire (qu’il sera facile à M. Fiorelli de nous rendre un jour) ; l’intérieur est découvert, et le petit bassin du milieu de la cour est figuré par le peintre. De tous côtés, même sur les remparts, même sur le sommet de l’amphithéâtre, des personnages esquissés par deux ou trois coups de pinceau combattent, se défendent, se poursuivent, se tuent ; des blessés et des morts sont étendus sur le sol. Le costume de tous les combattans consiste en une simple tunique attachée à la ceinture : cela s’accorde avec le témoignage de Tacite, qui nous montre le bas peuple (plebs) seul mêlé à cette rixe sanglante.

Il faut donc soigneusement noter cette persistance du caractère national. Hostiles aux conquérans et à leurs mœurs, les Campaniens reçoivent beaucoup d’eux, mais ils protestent toujours et saisissent les occasions de secouer le joug ; leur originalité triomphe à travers toutes les influences. Les Napolitains modernes, il faut le reconnaître, ont, comme leurs ancêtres, cette tête ardente sous les dehors de l’insouciance et du rire. Leur indolence dans la vie ordinaire n’empêche point leur sang de s’enflammer dans les agitations politiques. Il n’est point de peuple plus prompt à la révolte, ils l’ont prouvé aux gouvernemens de toute sorte qui ont occupé le pays. Angevins, Espagnols, Français, Bourbons ou Bonapartes, Italiens du nord ou dictateurs révolutionnaires, ont dû tour

  1. Annales, XIV, 17.
  2. « Campani victores, una cum Nucerinis peristis. »
  3. Giornale degli Scavi di Pompei, nuova serie 1869, p. 185 (article de M. de Petra) et planche 8.