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ils ont employé à leur tour, sinon les meilleurs artistes, qui se faisaient payer trop cher, du moins des artistes indigènes qui s’efforçaient de les copier.

J’avais donc raison de dire au début que telle était la beauté du golfe de Naples dans l’antiquité, qu’on ne peut se la figurer aujourd’hui, et que tout y est altéré, la nature par les révolutions physiques, l’œuvre des hommes par le temps et la ruine. Si notre imagination est capable d’un tel effort, figurons-nous ce beau golfe tel qu’il devait être dans l’antiquité, vingt ans avant l’éruption du Vésuve. Depuis le cap Misène et les replis du rivage de Baïa jusqu’aux falaises escarpées de Sorrente et le temple de Minerve s’étendent sur un développement immense les rochers dorés par le soleil, les plages sablonneuses, la végétation la plus magnifique, des constructions qui se prolongent pendant dix lieues, et auxquelles on ne peut mieux faire que de comparer les rives du Bosphore. Partons de Cumes, de Baïa, de Pouzzoles : c’est là que se sont concentrés les efforts des empereurs, les arsenaux et les palais des préfets de la flotte, les nombreux établissemens d’Agrippa et d’Auguste, les folies de Caligula ou de Néron, les constructions gigantesques des particuliers qui ont dompté la nature, comblé les marais, percé les montagnes, étonné les contemporains par leur audace et leurs caprices. Après Misène, Pausilippe et ses jardins enchantés ; après Pausilippe, Naples, que les anciens surnomment Naples la riche, Naples l’oisive, et dont la volupté savante a laissé bien loin derrière elle les délices de Capoue. Après Naples commence une avenue de palais et de villas qui semblent se baigner dans la mer ou montent peu à peu sur les collines qui supporteront plus tard Portici. Tout est luxe, couleur, et comme une série non interrompue de magnificences. On atteint ainsi Herculanum sans se croire sorti de Naples ; mais on trouve à Herculanum le repos, l’air plus vif de la mer, la vue sur l’ouverture du golfe, un souvenir plus présent de la Grèce et des lettres grecques, qui semblent s’y être réfugiées. Après Herculanum, Retina, petit port animé par les cris joyeux des matelots, lieu de commerce, d’activité, dont le port moderne de Résina, protégé par sa jetée qui brise la houle du large, ne donnera qu’une trop faible idée. Bientôt, en tournant le pied du Vésuve, se présentent Oplonte, les salines d’Hercule, les marais de Pompéi, terrains bas, où il est facile d’introduire et de laisser évaporer l’eau de mer. Des monceaux de sel blanc s’élèvent à cette place que couvriront un jour des cendres et d’affreuses scories.

Pompéi arrête ensuite le regard. Placée sur un promontoire formé d’une ancienne coulée de laves, elle domine la plaine et l’embouchure du Sarnus, rivière assez large pour que des navires puissent la remonter. Entourée de murs de bel appareil, dont une partie seu-