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REVUE. — CHRONIQUE.

attendrait avant d’agir de vive force, car les bandits avaient signifié qu’à la première attaque les prisonniers seraient mis à mort. Que se passait-il à ce moinent ? On ne le sait pas trop. Toujours est-il que, sans plus attendre, les troupes envoyées pour cerner la montagne attaquaient les brigands et les détruisaient en partie ; mais ceux-ci avaient tenu parole, aussitôt qu’ils s’étaient vus assaillis, ils avaient massacré sans pitié leurs prisonniers. Ainsi ces malheureux touristes, qui allaient chercher les souvenirs de Miltiade, trouvaient une horrible mort de la main de quelques bandits, à quelques milles de la capitale hellénique.

De telles aventures arrivent sans doute dans d’autres pays. Il y en a eu de semblables il y a quelques années dans les Calabres, il y en a quelquefois dans les monts de Tolède, en Espagne ; mais elles n’ont pas toujours ce caractère exceptionnel de gravité qui en fait un événement politique. Cette tragédie de Marathon peut coûter cher à la Grèce. Et d’abord on peut s’attendre à d’énergiques réclamations des deux puissances, l’Angleterre et l’Italie, dont les agens ont perdu la vie. L’opinion publique a fait explosion en Angleterre au premier bruit de cette effroyable catastrophe, et on n’a parlé de rien moins que d’envoyer des habits ronges faire la police dans les campagnes de l’Attique, puisque le gouvernement grec n’y suffisait pas. C’est un premier feu d’indignation. N’allât-on pas jusque-là, la Grèce peut être bien sûre qu’elle aura des comptes à rendre, et les Anglais ne se tiendront pas sans doute pour satisfaits parce que le ministre de la guerre, le général Soutzo, a donné sa démission, et parce qu’on a exposé à Athènes les têtes de quelques-uns des bandits ; mais à part cette responsabilité directe et effective qui peut créer des difficultés, il y a pour le gouvernement hellénique une responsabilité morale devant le monde. De longtemps, la Grèce ne va pouvoir parler de son rôle et de sa mission civilisatrice en Orient, et elle ne se donne certes pas l’avantage vis-à-vis des Turcs. Que peut-elle avoir à réclamer de la Turquie lorsqu’elle ne peut pas se gouverner elle-même et maintenir la sécurité chez elle, lorsqu’elle ne fait rien pour en finir avec ce brigandage qui est une puissance dont les partis eux-mêmes se servent quelquefois ? Le seul avantage que puisse avoir cette malheureuse affaire, c’est que la Grèce sente enfin la nécessité de détruire définitivement ce fléau du brigandage, et de ne plus laisser des bandits promener leurs déprédations sanguinaires en arborant de temps à autre un drapeau politique.

Au fond de l’Amérique du Sud, dans un de ces pays où tout arrive, vient de se dénouer d’un seul coup et d’une façon sanglante un drame qui s’est déroulé pendant des années à travers les plus bizarres péripéties. La guerre poursuivie par le Brésil, la république argentine et la république orientale contre le Paraguay est définitivement arrivée à son terme. Depuis un an, on en était sans cesse à répéter que tout était