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Le Vésuve, en effet, avait été en activité dans les temps les plus reculés, peut-être au commencement de l’époque quaternaire, car certaines villes de la côte, Pompéi notamment, sont bâties sur un sol de formation volcanique très ancienne ; le petit promontoire sur lequel s’élevait Pompéi est une coulée de laves trachitiques poussée jusqu’à la mer.

Au Ier siècle de l’ère chrétienne, les flancs du Vésuve étaient cultivés jusqu’au sommet ; aucune tradition ne laissait croire aux habitans du pays qu’il en eût jamais été autrement. L’expérience des éruptions récentes nous apprend, du reste, avec quelle rapidité se résolvent et deviennent fertiles ces cendres qui contiennent les substances chimiques les plus favorables à la culture, c’est-à-dire des oxydes alcalins. Le sommet de la montagne au contraire était un plateau aride, parsemé dans tous les sens de cavités profondes, dit le géographe Strabon ; on y voyait des pierres noircies, des traces de feu. Une ceinture de rochers formant un demi-cercle couronnait comme aujourd’hui la montagne de la Somma et marquait l’ancien cratère, dont l’autre demi-cercle s’était affaissé. Ces rochers, formés d’une sorte de porphyre avec de l’amphigène, étaient découpés, dentelés, et ressemblaient çà et là aux créneaux d’une forteresse. Les anciens conduits par lesquels la lave et les cendres s’étaient frayé une issue avaient creusé les parties plus tendres et formé des cheminées qui se ramifiaient comme les traces perpendiculaires et couvertes de suie que laissent les maisons en démolition sur les maisons voisines. Une brèche plus profonde, qui doit correspondre à ce que les Napolitains appellent Canale della Reina, avait été escaladée par Spartacus lorsque, bloqué sur le plateau du Vésuve par C. Claudius, lieutenant du préteur, il avait fait tresser des échelles avec des sarmens de vignes, et, franchissant un retranchement qu’on jugeait inaccessible, était tombé avec ses compagnons sur le camp des Romains endormis.

Ce que les modernes doivent s’efforcer surtout de se figurer, c’est que dans l’antiquité le sommet du Vésuve, au lieu d’être un cône, était un plateau. Le demi-cercle de rochers que nous venons de décrire déterminait la moitié du cratère, adossé à la terre ferme et aux Apennins. L’autre moitié s’était affaissée, avait comblé l’intérieur du cratère, et en obstruant tous les conduits avait préparé de terribles matériaux pour les éruptions futures. On reconnaît très bien cet affaissement et l’orifice primitif du volcan, beaucoup plus vaste que ne l’est celui d’aujourd’hui. C’est ainsi que le Papandayang, dans l’île de Java, s’est effondré dans la nuit du 14 août 1772. Après avoir englouti quarante villages sous les matières qu’elle arrachait de son sein, la montagne s’abaissa subitement de 3 000 mètres à 1 700 mètres. Le Vésuve ne s’est effondré que d’un