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si l’on veut, il y a les libertés essentielles du régime parlementaire, et voilà ce qui précise le sens de ce vote du 8 mai, voilà ce qui maintient à ce curieux succès d’un expédient qu’il ne faudrait pas renouveler, le caractère d’une victoire libérale excluant toute pensée de réaction.

C’est un changement complet de situation pour le gouvernement comme pour les partis, il ne faut point se le dissimuler. Que dans cette victoire de scrutin le gouvernement trouve, au moins pour l’instant, une force considérable, cela n’est point douteux. La question est maintenant de savoir ce qu’il fera de cette force dont il peut en vérité être embarrassé. Et d’abord le ministère en est aujourd’hui nécessairement à se renouveler ou à se reconstituer. Depuis le premier démembrement causé par la retraite de M. Buffet et de M. le comte Daru, il est resté incomplet. M. Segris est passé aux finances, M. Maurice Richard a pris l’intérim de l’instruction publique, et M. Émile Ollivier, sans cesser d’être garde des sceaux, s’est chargé provisoirement de la direction des affaires étrangères. Aujourd’hui M. le marquis de Talhouët à son tour paraît disposé à se retirer. Le ministère se recomposera-t-il en totalité, ou bien se bornera-t-on à remplacer les ministres démissionnaires ? De toute façon, dans quelle partie de la chambre ira-t-on chercher de nouveaux ministres ? Essaiera-t-on de renouer l’alliance de janvier avec quelques-uns des membres de ce pauvre centre gauche auquel le plébiscite a porté un si rude coup ? C’est là le grand problème autour duquel s’agitent toutes les ambitions. Des candidats, ce n’est pas ce qui manque certainement ; il y en a de tous les genres, toujours prêts à offrir leur bonne volonté et rôdant sans cesse autour du pouvoir, M. de La Guéronnière, par exemple, ne demanderait pas mieux que d’entrer au ministère de l’instruction publique, puisqu’il ne peut pas arriver aux affaires étrangères ; il entrerait même au besoin au ministère de la guerre ou au ministère de la marine, si on le voulait, au risque d’avoir le chagrin de supplanter M, le maréchal Lebœuf ou M. l’amiral Rigault de Genouilly. Il serait propre à tout, tout lui serait bon, pourvu qu’il fût ministre. Être du comité plébiscitaire, avoir fait son discours-programme au sénat, avoir écrit une brochure-manifeste et ne pouvoir atteindre au portefeuille, c’est là ce qui le désole. Il erre comme une âme en peine à la recherche d’un uniforme que M. Émile Ollivier, avec sa facilité ordinaire, lui a promis pour la première occasion ; malheureusement il trouve plus d’un obstacle sur son chemin, sans parler des concurrens. Pour le moment donc, il ne serait pas impossible qu’on se bornât simplement à compléter le cabinet en remplaçant les ministres démissionnaires, et M. le duc de Gramont, ambassadeur à Vienne, semble particulièrement désigné pour les affaires étrangères. — Pour les autres, on s’attend à de l’imprévu, en y comprenant même M. de La Guéronnière. Cette reconstitution ministérielle, préliminaire de toute action politique,