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LE DRAME DU VÉSUVE.

Les lettres de Pline le Jeune nous apprennent que son oncle mourut le second jour de l’éruption, que ses compagnons, qui s’étaient enfuis vers Sorrente, ne revinrent que trois jours après, et qu’ils retrouvèrent son corps intact sous un linceul de cendres. Les phénomènes volcaniques durèrent-ils en effet cinq jours ? Cela est probable, surtout au pied même du Vésuve. Nous voyons combien se prolongent certaines éruptions violentes dont les modernes ont été les témoins. Celle de 1779, que sir William Hamilton a décrite dans son bel ouvrage[1], a été en croissant d’intensité pendant quatre jours. Le docteur Clarke a pu observer une autre éruption du 22 août au 5 septembre 1793. Il faut faire en outre la part des pluies, des émanations sulfureuses, de la stupeur des infortunés qui s’étaient réfugiés sur la montagne, dans les villes voisines et dans les îles, des nouvelles contradictoires répandues par les pêcheurs qui se risquaient à s’approcher sur leurs barques et par les messagers qui, sur la terre ferme, n’osaient pousser trop loin leur exploration. Après ces délais, les Pompéiens qui avaient échappé à la mort voulurent évidemment revoir les lieux d’où ils avaient emporté de si tragiques souvenirs, mais où ils avaient laissé tout ce qui était nécessaire à la vie. Les hommes partirent seuls, comme il était naturel, confiant à leurs hôtes les femmes et les enfans. Ils retrouvèrent leur ville, mais dans quel état ! La plupart des maisons étaient restées debout ; celles qui s’étaient écroulées étaient déjà ensevelies ; 12 pieds de pierres ponces et 3 pieds de cendres recouvraient uniformément le sol. Les champs et les jardins n’existaient plus : la place en était marquée par un tapis grisâtre d’où sortaient la pointe des arbustes étouffés et les branches des grands arbres, dépouillées de leurs feuilles avant la saison. Les maisons plus petites étaient enterrées jusqu’au toit ; mais toutes celles qui avaient un étage (c’était l’immense majorité) et qui avaient résisté aux secousses du tremblement de terre étaient facilement accessibles. Les rues existaient toujours, le niveau seul en était déplacé. Les rez-de-chaussée, les boutiques, les entre-sols avaient disparu ; les étages supérieurs, les balcons, les terrasses, formaient la bordure à droite et à gauche et étaient devenus des rez-de-chaussée : on y entrait de plain-pied par les fenêtres.

Après les douleurs du retour et les premières impressions d’un pareil spectacle, il fallut s’établir sur les ruines. Plus d’un toit s’était effondré, mais beaucoup d’autres pouvaient servir d’abri. Les chambres voûtées avaient mieux résisté ; les terrasses, faciles à balayer, offraient un lieu de campement. On attendit les nouvelles de

  1. Campi Phlegrœi, p. 63.