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donne un si excellent mortier hydraulique, était tirée dans le principe de Pouzzoles, près du Vésuve, et qu’elle n’est autre chose qu’une argile ferrugineuse soumise jadis à la haute température des volcans et rejetée comme une pluie de cendres. Enfin je rappellerai le grand autel d’Olympie, que décrit le voyageur Pausanias, et qui n’était formé que de la cendre des victimes brûlées en l’honneur de Jupiter. Après chaque sacrifice, les prêtres délayaient les cendres avec l’eau de l’Alphée, enduisaient l’autel et l’agrandissaient ainsi peu à peu, si bien qu’après dix siècles l’autel avait 125 pieds de circonférence et 22 de hauteur. Quiconque en effet a vu jeter de l’eau dans sa cheminée a pu juger de la ténacité de la cendre dès qu’elle est mêlée avec un liquide ; à plus forte raison les cendres volcaniques, dans la campagne de Rome, à Naples, à Santorin, sont-elles propres à la fabrication des mortiers.

Du reste, même quand ces explications ne satisferaient qu’à moitié le lecteur, les faits sont là, ils sont irrécusables. Je défie tout observateur attentif qui étudiera les parties d’Herculanum accessibles jusqu’à ce jour d’y découvrir autre chose que de la cendre. Sur la surface du sol actuel de Portici, qui est exhaussé en moyenne de 20 mètres, il pourra se faire qu’on signale des coulées de lave appartenant aux éruptions modernes, surtout du côté de Résina. Je ne puis affirmer non plus que dans un quartier inconnu d’Herculanum on ne constatera pas un jour la présence de la lave ; mais comme il ne peut être question aujourd’hui que de ce que nous connaissons, c’est-à-dire des parties de la ville qui sont visibles ou explorées, je répète qu’on ne pourra trouver un centimètre de lave à Herculanum, et que tout y est cendre.

Le problème, c’est de savoir comment une telle masse de cendres a pu être concentrée sur la malheureuse cité, et, puisque l’eau a joué un rôle si terrible, d’où provenait cette immense quantité d’eau.

Il est d’abord évident que les cendres ont été rejetées par le volcan ; d’après la nature du terrain ou les brèches produites à l’orifice du cratère, les pierres ponces étaient toutes rejetées du côté de Pompéi et de Stabies, tandis que les cendres étaient portées sur Herculanum. Peut-être convient-il de faire la part du vent qui séparait ces matières et des convulsions qui les lançaient inégalement. Ensuite il faut se rappeler que toute éruption très violente est accompagnée de vapeur d’eau, provenant de la rencontre subite des nappes d’eau souterraines avec le feu. J’ai expliqué l’origine de ces nappes[1], j’en ai montré les effets quand elles se précipitent dans

  1. Voyez la Revue du 15 mai, p. 313.