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LES RÉFORMES DE L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE.

puis une quarantaine d’années nous ayons marché à grands pas. D’après la statistique dressée en 1831 par M. de Montalivet, nous voyons qu’en 1829 il existait 30 796 écoles tant privées que publiques, qui réunissaient 1 372 206 élèves dans les mois d’hiver, et seulement 681 005 durant les mois d’été. Sur 38 135 communes 13 984 étaient complètement dépourvues d’écoles, et sur 282 985 jeunes gens de vingt à vingt et un ans inscrits au tableau de recensement 149 824 étaient complètement illettrés. Cette situation honteuse et déplorable, après avoir été sensiblement améliorée par les ordonnances du 21 avril 1828 et du 14 février 1830, rencontra heureusement dans M. Guizot un réformateur hardi. En promulguant la célèbre loi du 28 juin 1833, que M. Cousin appelait la charte de l’instruction primaire en France, le gouvernement de juillet constitua d’une manière solide et féconde l’enseignement populaire. Les résultats ne se firent pas attendre : le nombre des écoles publiques augmenta rapidement d’année en année, pour atteindre en 1847 le chiffre de 35 953, tandis que la population scolaire s’élevait au chiffre de 3 530 056 enfans. Sur 100 conscrits, 62 savaient lire. La loi de 1850, ouvrage de M. de Falloux et de M. de Parieu, refondit, en la modifiant, la loi de 1833, et donna un nouvel élan à la diffusion de l’instruction ; la population scolaire s’accrut de 335 193 élèves, et 1 680 nouvelles écoles s’élevèrent.

Aujourd’hui la situation exacte de l’instruction primaire en France nous est donnée par les deux statistiques que M. Duruy a publiées le 1er  janvier 1864 et le 1er  janvier 1866. Nous y voyons qu’en 1863, sur 37 510 communes, 818 étaient dépourvues d’écoles primaires, — que les écoles primaires, au nombre de 52 445, réunissaient 3 353 840 élèves des deux sexes, et que les écoles libres, au nombre de 16 316, en comptaient 922 538. — Il y avait donc en France 68 761 écoles primaires publiques ou libres fréquentées par 4 336 368 élèves, sans compter les 3 308 salles d’asile suivies par 383 856 enfans. Cependant les progrès de l’organisation matérielle des écoles ne marchaient pas de pair avec les progrès de leur population. Un très grand nombre d’instituteurs étaient logés misérablement, et ne pouvaient faire leur classe que dans les granges qu’on leur prêtait, ou dans des bâtimens loués provisoirement et dépourvus de l’aménagement nécessaire. Parmi les écoles mêmes installées dans des bâtimens appartenant aux communes, une grande partie n’avait qu’un local insuffisant ou misérable, et bien fait pour repousser les enfans qui devaient y aller chercher l’instruction. On se préoccupe vraiment trop peu de rendre l’étude attrayante, surtout pour ces fils de fermiers et de laboureurs, habitués à vivre en plein air, en commerce continuel avec la nature, et à qui l’on fait quitter