Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 87.djvu/653

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
647
LES RÉFORMES DE L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE.

rales, nous les trouvons dans le dernier document officiel concernant l’instruction primaire. Il était réservé a un ministre à qui l’on reprochait ses répugnances pour le système de la gratuité absolue de se montrer plus généreux dans l’application de la gratuité relative qu’aucun de ses devanciers, On lit dans la dernière circulaire de M. Segris aux préfets : « Je ne dois pas vous laisser ignorer que la volonté la plus absolue du gouvernement est que l’école primaire soit toujours gratuitement ouverte à tout enfant dont les parens peuvent n’être pas en état de la payer ; quel qu’en soit le nombre, aucune limitation, aucune restriction ne doit y être apportée. Le gouvernement entend et veut que les dispositions libérales de la loi reçoivent l’application la plus large, et, qu’en cas de doute, la gratuité soit toujours acquise à l’enfant. C’est en ce sens, nous le savons, que la loi s’exécute aujourd’hui ; mais nous avons voulu de nouveau en affirmer l’application, afin que les autorités locales, les conseils municipaux, l’instituteur, l’inspecteur primaire, soient pénétrés des sentimens qui nous animent, et que, dans le cas où quelques réclamations viendraient à se produira, elles soient toujours vérifiées avec empressement et bienveillance, et avec la ferme résolution d’y faire droit. » Comment, après de pareilles déclarations, ne pas se montrer satisfait d’un système qui permet de venir en aide à toutes les misères, qui ne pose aucune barrière dans la distribution de ses bienfaits ?

Pourtant, quelque libéralité qu’on montre dans l’application de la gratuité relative, les objections que font contre ce système les partisans du système absolu resteront à peu près les mêmes. S’ils ne peuvent plus critiquer la gratuité relative comme insuffisante, ils continueront toujours à lui reprocher de créer des inégalités regrettables dans l’école, d’éloigner les pauvres trop fiers pour la demander, et par là d’être un obstacle à la libre extension de l’enseignement. Quant à l’inégalité de la condition des enfans, elle existera toujours, sous n’importe quel régime d’enseignement, et l’on ne pourra jamais empêcher que l’enfant d’une famille aisée arrivant à l’école vêtu avec soin, son panier à provisions largement rempli, ne montre ainsi la différence de son sort avec celui de l’enfant du pauvre dont l’habit est grossier, dont le sac ne contient qu’un morceau de pain bis. À l’école, comme plus tard dans la vie, se manifestent ces différences de condition, résultat nécessaire du droit de l’individu, de la loi du travail et de la propriété ; mais à l’école aussi se manifeste la supériorité du mérite et de l’intelligence, et parmi ce jeune public d’élèves la considération s’attache surtout à celui qui, par, ses succès, se place au-dessus de ses camarades. Cette prééminence du mérite, cette supériorité de l’intelligence sur les biens de la fortune, n’est-ce pas la meilleure école d’une démo-