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LE
SALON DE 1870

On sait que la nouvelle administration des beaux-arts a cru devoir cette année n’intervenir en rien dans les mesures ou les actes relatifs à l’exposition et aux exposans. Formation de la liste du jury, placement des œuvres admises, récompenses à décerner, tout a été abandonné aux intéressés eux-mêmes, tout est devenu pour eux matière à décisions sans contrôle comme sans appel. En attribuant ainsi aux artistes le droit et la faculté de régler jusqu’au bout leurs affaires, on a voulu sans doute tenter une épreuve que les circonstances pouvaient momentanément justifier, mais qui ne saurait en réalité engager l’avenir. Il serait très regrettable que l’abstention complète de l’état dans tout ce qui concerne les expositions, ouvertes jusqu’ici sous son patronage, fût érigée désormais en principe, et que le soin de reconnaître, d’encourager et de rémunérer les talens appartînt exclusivement à ceux dont la situation personnelle semble en pareil cas assurer le moins l’impartialité. D’ailleurs où s’arrêter dans cette voie ? Quelle fin de non-recevoir légitime opposer à d’autres revendications, à d’autres exigences ? Si les artistes sont seuls capables de traiter au Salon chacun selon ses œuvres, pourquoi ne seraient-ils pas appelés aussi à désigner les plus dignes là où il s’agit de commander des travaux, de pourvoir à des fonctions vacantes, de distribuer les plus hautes distinctions honorifiques ? La logique condamnerait l’administration des beaux-arts à l’abandon successif de toutes ses prérogatives, et finirait par réduire la tâche d’un ministre, fût-il Colbert en personne, à la besogne d’un greffier chargé d’enregistrer les arrêts de l’omnipotence démocratique.

Or, si l’on en juge sur certains verdicts récens, l’esprit de démocratie dans les arts ressemblerait, à s’y méprendre, à l’esprit de camaraderie ou aux petites vengeances de la vanité. Nous ne parlons