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grandes toiles deviennent plus rares au Salon, et si, pour apprécier l’état actuel de l’art dans notre pays, on s’en tenait à ce que les expositions nous montrent, on pourrait croire que l’école française ne compte plus que des peintres de genre, de portrait ou de paysage. Elle n’en est pas réduite là heureusement. Si les maîtres qui, depuis Gros jusqu’à Ingres, ont illustré la première moitié du siècle, n’ont pas laissé dans la seconde des héritiers de leur gloire et des remplaçans à leur taille, les élèves formés par eux ou les artistes de tonne volonté qui se souviennent de leurs exemples sont assez nombreux, assez zélés encore pour lutter avec honneur contre les succès dont autre part on fait bruit et contre l’indifférence de la foule. Qui sait même si les résultats de ces efforts, dont nous oublions presque de nous enquérir, ne défendront pas dans l’avenir l’art contemporain plus sûrement que les tableaux devant lesquels nous nous arrêtons avec le plus de confiance ? Sans parler d’autres travaux plus importans à tous égards, telle modeste chapelle comme celle que M. Michel Dumas a peinte dans l’église de Montmartre ou comme celle que M. Maillot achevait récemment de décorer dans l’abside de Notre-Dame de Paris, telle muraille sur laquelle la plupart d’entre nous ne jettent guère que des regards prévenus ou distraits, donnera peut-être de notre temps et de notre école une idée toute contraire à nos inclinations ou à nos engouemens d’aujourd’hui.

Rien de moins rare dans l’histoire de l’art national que ces reviremens complets de l’opinion. Que reste-t-il de l’immense renommée qu’avaient obtenue de leur vivant Martin Fréminet et les siens, tandis que ces dessinateurs de crayons dont on ne songeait point alors à tenir en haut prix les ouvrages résument maintenant les titres les plus sûrs et les vrais, mérites de l’époque ? Pour citer des exemples plus près de nous, l’estime qui s’attache de plus en plus aux sages portraitistes français du XVIIIe siècle ne tend-elle pas à faire justice de l’importance usurpée par Boucher, Fragonard et leurs pareils ? Sauf la différence des doctrines et des talens en cause, quelque chose de semblable pourra se passer un jour à l’égard des œuvres qu’aura laissées notre temps. A voir la somme d’habileté sérieuse dépensée sur les murs de nos monumens, on s’étonnera de nos préférences pour des témoignages moins dignes de respect, et ce que nous regardons presque comme l’inutile continuation d’une tradition usée deviendra peut-être à un moment donné la meilleure caution pour la dignité de notre école.

Parmi les travaux qui recommanderont ainsi à nos successeurs l’époque où nous aurons vécu, le vaste plafond que M. Alexandre Hesse vient de terminer pour le Palais du Commerce à Lyon nous semble un des plus méritoires. Y a-t-il rien de bien nouveau,