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garçon de notre temps, criant joyeusement en agitant en l’air une touffe de la plante sacrée ; cette statue est signée du nom de M. Baujault. Il n’y a là en réalité qu’une étude et même une étude assez incomplète, puisque les proportions du bras droit, celles des pieds et le dessin de quelques autres parties sont loin d’être irréprochables ; mais l’expression de la tête est vive et juste, le torse est souple, et le tout, malgré les incorrections de détail, respire la franchise, la bonne humeur et l’entrain d’une vie jeune.

Il y a de la jeunesse aussi et de la grâce dans le Giotto de M. Chervet et dans l’Ismaël de M. Just Becquet, dans la Rêverie d’enfant par M. Chabrié, comme dans le buste en marbre de Bernardino Cenci, sculpté par M. M. Degeorge, tandis que la recherche et quelquefois l’expression de la force caractérisent le Gaulois blessé de M. Delhomme, la Pythie de Delphes de M. Bourgeois, l’Eve de M. Delaplanche, et même une figure de femme, trop peu sévère d’ailleurs, que M. Allouard a intitulée le Réveil. On le voit, dans les rangs de ceux qui ne sont encore qu’au commencement de la carrière, le talent ne fait pas plus défaut que dans le groupe des artistes ayant dépassé l’époque de leurs premiers essais. Les garanties qu’ont fournies les uns, les promesses qui semblent engager les autres, forment un ensemble des plus rassurans, et l’on peut dire qu’à moins de se démentir brusquement ou de s’abandonner elle-même, notre école de sculpture nous donne le droit de compter sur l’avenir aussi bien qu’elle commande l’estime dans le présent.

La plupart des estampes exposées cette année ne sont pas de nature à inspirer la même confiance, et s’il fallait juger de l’état présent de la gravure en France sur les spécimens qu’en fournit le Salon de 1870, on serait autorisé à constater un singulier désarroi dans les ambitions comme dans les doctrines de notre école. Il est vrai que ni M. Henriquel et ses meilleurs élèves, MM. François, Salmon et Rousseaux, ni M. Martinet et les graveurs qui avec lui se sont voués à la reproduction des grands modèles, ni, dans un autre ordre d’art, MM. Jacque et Edouard Girardet, n’ont voulu opposer leurs œuvres à celles qui représentent, au palais des Champs-Elysées, le mouvement révolutionnaire. Le champ est donc à peu près resté libre aux graveurs de vignettes, à tous ceux qui, se contentant d’exécuter lestement un croquis, pensent à bien mériter de la Société des aqua-fortistes ou des éditeurs de livres illustrés beaucoup plutôt qu’à mettre à profit les exemples de Gérard Audran et de Nanteuil. Aussi, sauf quelques eaux-fortes consciencieusement traitées, comme la Vue du château de Chambord par M. de Rochebrune et diverses petites scènes par M. Rajon, sauf les pièces que recommandent les noms de MM. Bléry, Jacquemart et Lalanne, quelles