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dans ce concert qui commence à s’élever autour du rayonnant pontife, dont la témérité ingénue peut être plus meurtrière pour l’église que les violences de ses adversaires les plus hardis. De toute manière, il y a une question qui aura fait du chemin en peu de temps. C’est celle du pouvoir temporel. L’infaillibilité du pape, c’est le dernier coup porté au pouvoir temporel. Il est évident désormais que cette confusion de puissances que soutenaient encore des esprits à la fois libéraux et catholiques n’est plus qu’une fiction impossible, et que la séparation devient de plus en plus inévitable. Liberté spirituelle pour l’église, liberté entière pour la société civile, il n’y a plus que ce moyen de faire vivre en paix des pouvoirs qui marchent dans des voies si différentes. Était-ce là qu’on en voulait venir en réunissant le concile ?

Il y a pourtant dans le monde aujourd’hui un assez bon nombre de difficultés de toute sorte sans y joindre les passions religieuses, qui ne sont sûrement pas faites pour simplifier les affaires de l’Europe. Du nord au midi, les incidens, les questions les plus complexes, les crises constitutionnelles, quelquefois les insurrections, se succèdent et se renouvellent à chaque instant. M. de Bismarck sort de sa retraite de Varzin pour obtenir du parlement fédéral le vote de la loi qui maintient la peine de mort dans le code de la confédération du nord, c’est-à-dire qui rétablit cette peine dans les états mêmes où elle était abolie, et on ne devinerait pas quel a été l’argument principal du chancelier de Berlin : c’est l’intérêt de l’unité allemande ! On ne fait jamais vibrer cette corde sans succès, et cette fois encore M. de Bismarck a enlevé la victoire ; il a réussi à faire écarter un amendement proposant que la peine capitale restât tout au moins supprimée dans les états de la confédération tels que la Saxe, l’Oldenbourg, Brême, Anhalt, où elle n’existe plus. « Écartons tout ce qui peut être un obstacle à l’unité allemande, s’est écrié le chancelier avec une fébrile impatience, et donnez-moi par votre vote approbatif un gage de vos sentimens allemands. » A vrai dire cependant, nous doutons que le vote ainsi enlevé par M. de Bismarck ait fait faire un grand pas à l’unité allemande, qui a besoin pour se réaliser de gagner d’autres batailles. La Prusse s’est tirée d’une difficulté qui embarrassait l’organisation législative de la confédération du nord, voilà tout.

L’Autriche, de son côté, est toujours en pleine crise constitutionnelle, elle n’en sort pas, et le ministère qui s’est formé, il y a quelque temps, pour la Cisleithanie sous la présidence du comte Potoçki multiplie les efforts pour mettre l’ordre et la paix dans cette grande incohérence autrichienne. Il était arrivé au pouvoir dans un moment difficile, où la politique centraliste de l’ancien cabinet avait poussé les choses à l’extrême, et où le plus grand nombre des représentans des nationalités diverses avaient quitté le Reichsrath, de sorte qu’on se trouvait avec des