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visible parfois, s’amoindrit et disparaît le plus souvent. Les passages déchiffrés laissent néanmoins l’espoir fondé qu’on aura plus tard le sens de toute la légende. Ne voit-on pas la terre, à peine refroidie à la surface, encore enveloppée de lourdes vapeurs, baignée par des eaux demeurées tièdes, recevoir les premiers organismes, naturellement aquatiques ? Ne comprend-on pas, d’une part, l’action érosive et mécanique de ces eaux, désagrégeant les roches, entraînant ou dissolvant leurs débris, de l’autre la contraction de l’écorce et l’apparition de grandes rides ? Joignez par la pensée à ce double mouvement celui des réactions du noyau liquide soulevant les points demeurés faibles, tandis que les autres s’affaissent, se plissent, se contournent, et vous aurez un ensemble de phénomènes qui explique l’agrandissement des continens, le relief des montagnes, le creusement des vallées et des mers. Les difficultés ne naissent pas de cet ordre d’idées. — L’impossibilité d’admettre des époques régulièrement limitées, ayant chacune leurs êtres et leurs caractères particuliers, paraît aujourd’hui démontrée : de là résulte, comme conséquence d’un dilemme rigoureux, la continuité des phénomènes biologiques. — Mais alors comment comprendre la série complexe des organismes ? D’où faire sortir ces êtres toujours plus élevés, plus libres de leurs mouvemens, plus rigoureusement adaptés à leur régime, que l’homme vient enfin compléter ? Les deux écoles rivales, celle de la transformation et celle de la fixité des formes spécifiques, sont ici en présence, et il semble qu’il soit impossible de les concilier. M. Burmeister l’essaie pourtant, ou du moins il se tient dans une position intermédiaire ; mais surtout il oppose à l’une et à l’autre solution dans ce qu’elles ont d’excessif une fin de non-recevoir qui s’accorde mal avec l’aiguillon de l’insatiable curiosité humaine. — Le problème de la filiation des êtres est, selon lui, non-seulement insoluble, mais encore inacceptable dans les termes où on le pose. Bien qu’il reconnaisse l’influence des transformations, il se demande si elles peuvent tout expliquer, et si la vie organique, apparue sans précédent direct au moins une première fois, n’a pu se manifester plus tard de la même façon, sous l’empire de causes que nous ne concevons plus, parce qu’elles ont cessé d’agir. Certainement l’apparition de la vie organique est aussi inconcevable, lorsqu’elle est réduite à un phénomène initial, que si l’on suppose que le même phénomène s’est répété plusieurs fois ; mais cette dernière hypothèse aggrave encore les difficultés. La production spontanée des premiers organismes, qui probablement étaient des plus simples, n’offusque pas l’esprit comme la création subite des espèces qui se sont montrées en dernier lieu. Quand l’hypothèse de la transformation ne ferait que nous délivrer de la nécessité d’admettre une si longue répétition de prodiges, elle aurait bien mérité de la science. Parmi les phénomènes moins inaccessibles, il en est un dont l’action a