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que nous avons adopté… » — « Je crois devoir encore représenter à votre altesse sérénissime, dit-il dans une troisième lettre, que si sa majesté n’avait pas eu le dessein de contribuer à l’abaissement du roi de Prusse, on aurait dû prendre des précautions qui ont été omises pour prévenir le feu qui est prêt à s’allumer. J’aurais de beaucoup préféré de convenir avec nos alliés des bornes qu’il convient de mettre à la puissance de ce prince que de nous voir entraîner dans une guerre contre lui sans y être préparés… C’est un vilain rôle à jouer et duquel il résultera beaucoup d’inconvéniens. Il me semble qu’il faut nous décider, après avoir mûrement réfléchi, à ce que nous allons faire, et ensuite parler clairement à nos alliés et les obliger à user de même pour convenir d’un plan qui certainement ne sera pas difficile à exécuter. » Enfin, ne pouvant arracher un mot de réponse du prince pas plus aux considérations d’intérêt général qu’à celles de son intérêt particulier, il finit par lui mettre à peu près le marché à la main. « Nous voilà donc pleinement réconciliés avec la Russie, lui dit-il en apprenant le départ du nouveau ministre, le chevalier Douglas. Cela est-il favorable ou contraire aux vues de sa majesté en Pologne ? C’est un problème pour moi. Je prie votre altesse sérénissime de le résoudre[1]. »

Pressé de la sorte dans ses retranchemens, le prince dut enfin, le 9 août, sortir de son incroyable réserve ; mais avec quels ménagemens encore et quel embarras ! On aurait cru entendre M. de Rouillé lui-même. D’abord point de relations nouvelles avec la Saxe, il sera temps d’y penser plus tard, si la guerre s’allume ; puis, quant aux rapports de la Russie et de la Pologne, « le roi, dit le prince, sent tout le délicat et l’embarrassant du cas où les impératrices entreprendraient de violer le territoire de la Pologne, il sent que ces nouvelles liaisons le gênent d’un côté dans les moyens de protection qu’il pourrait accorder à la république, et que d’un autre, de lui retirer cette protection, les mêmes motifs de justice subsistant, ce serait commettre beaucoup son crédit et son influence en Pologne et en Turquie. C’est pourquoi sa majesté se détermine d’abord de ne rien négliger pour détourner ou empêcher un événement où les partis seraient aussi délicats et aussi embarrassans. En conséquence elle a donné ordre pour faire sentir, tant à la cour de Vienne qu’à celle de Saint-Pétersbourg, combien toute entreprise contraire aux droits et immunités de la Pologne et à l’intégrité de son territoire serait contraire à l’union nouvelle,… et il me charge de vous mander que vous ne devez pas changer de langage en Pologne, mais que vous devez continuer d’assurer que sa majesté accordera toujours

  1. Le comte de Broglie au prince de Conti, passim, 2 juin, 25 juin, 2 juillet, 21 juillet, 25 août 1756. (Correspondance secrète, ministère de » affaires étrangères.)