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hollandais. Quand on lit les plaintes violentes qu’il adresse à son frère à leur sujet, on pense involontairement aux colères de Louis XIV contre les gazetiers de Hollande ; mais que faire contre cette infiltration de la vérité ? C’était le cas ou jamais de répéter à Napoléon que sa puissance elle-même n’allait pas jusqu’à empêcher la peau de transpirer.

Louis tenait encore bravement tête à l’orage. Il travaillait avec une ardeur qui surprenait ses conseillers à l’organisation toujours défectueuse de son royaume. Le code criminel, élaboré sur la base du code français par une commission de savans jurisconsultes et discuté article par article en présence du roi, fut présenté à l’approbation de la chambre avant la fin de 1808, La délicate question des cultes reçut un commencement de règlement. Les ministres réformée conservaient leur traitement antérieur ; les autres confessions, dès que l’état du trésor le permettrait, recevraient à leur tour des subsides. Tout traitement ecclésiastique tomberait désormais à la charge du budget national, les villes et les corporations qui les allouaient auparavant en étaient exemptées ; mais les biens-fonds sur lesquels beaucoup de ces traitemens étaient prélevés devaient faire retour au domaine public. Une commission spéciale présiderait à la répartition des grandes églises entre les communautés religieuses d’une même localité. Tout cela était sage et dicté par les circonstances ; seulement on regrettait de voir que dans ses voyages le roi continuait d’adjuger motu proprio des églises réformées à ses coreligionnaires, et qu’il refusait d’allouer aux synodes des églises réformées un subside annuel fixe pour leurs frais de séance. Il voulait se réserver d’y pourvoir lui-même par décret royal. C’était les mettre sous sa dépendance personnelle, c’était témoigner une certaine défiance à l’égard de corps représentatifs héritiers des vieilles traditions de la république, et qui, à un moment donné, auraient pu ne pas se montrer trop dociles à la politique royale. La fière église réformée des Pays-Bas se sentit quelque peu humiliée de dépendre ainsi d’un souverain catholique, aux intentions duquel tous se plaisaient à rendre hommage, dont la conduite n’était point celle d’un dévot, encore moins d’un ascète, mais qui allait scrupuleusement chaque année à Utrecht pour y faire ses pâques en fils soumis de l’église romaine. S’il ne forçait personne à suivre son exemple, on savait qu’on lui plaisait en l’imitant.

Cependant il ne faut pas se lasser de le répéter, ces critiques de détail, ces inquiétudes, qui, dans d’autres circonstances, eussent engendré les plus sérieux mécontentemens, étaient alors comme absorbées par les sombres préoccupations que causaient l’état des finances et du commerce, les guerres interminables, la peur