Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 87.djvu/899

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

machines, réunir des ouvriers de choix, plus de quinze mois s’écoulèrent ; néanmoins le prix du nouveau métal n’avait pas changé. Ce fut dans ces conditions que s’ouvrit à Harrisburg, sous le nom de Freedom Works, œuvres ou travaux d’affranchissement, la première fabrique d’acier Bessemer ; une seconde était à la veille de s’ouvrir à Troy, dans l’état de New-York. En ajoutant au prix de 150 dollars la taxe de 45 pour 100 de la valeur perçue à l’entrée, on en restait, pour l’article rendu à quai en Amérique, dans des termes qui laissaient une certaine marge à la concurrence, et promettaient quelque vie aux nouveaux établissemens. — Hélas ! à quoi et à qui se fier ? Les fabricans américains étaient à peine entrés sur le marché que les rails Bessemer, presque immuables jusqu’alors à ce prix de 150 dollars, vacillaient sensiblement sur leur base ; ce n’était plus que 130 dollars dans la première campagne, et depuis le déclin a été si prompt qu’on obtient aujourd’hui les mêmes, rails à 50 dollars la tonne, c’est-à-dire à deux tiers de moins qu’aux conditions d’origine, pris à Hull ou à Liverpool. Les entrepreneurs ont-ils désarmé pour cela ? Non, Harrisburg est toujours debout, Troy aussi ; d’autres établissemens se sont fondés à Chester dans la Pensylvanie, à Cleveland dans l’Ohio, à Détroit dans le Michigan. A en croire M. Kelley, il s’en prépare même sept ou huit autres, dont il cite les noms ; mais à une condition, c’est que le terrible M. Wells renonce à réduire de moitié la taxe qui protège tant bien que mal le Bessemer américain. Autrement M. Kelley ne répond pas plus de ce qui est à naître que de ce qui est né.

Au sujet des aciers fins, même querelle, poussée jusqu’aux gros mots. Sheffield, par exemple, est formellement accusé d’avoir entretenu dans les ports d’Amérique, de temps immémorial, des agences qui fraudent le fisc par des évaluations mensongères, et peu s’en faut que M. Wells ne soit pris à partie au sujet de ces prévarications ; on lui impute tout au moins d’avoir eu des connivences avec Sheffield quand il s’est agi, en vue de ces fraudes, de substituer des taxes au poids aux taxes sur la valeur. Pour les fontes brutes ou en saumons, le ton n’est pas moins aigre, ni le débat moins envenimé ; c’est, il est vrai, la matière première de l’industrie du fer, et M. Wells n’avait pas craint de la signaler comme digne de grands ménagemens à raison des travaux de forge et de moulerie que cette matière alimente aux yeux du commissaire du revenu ; la taxe alors en vigueur de 9 dollars par tonne ne devait pas être maintenue. À cette déclaration, le représentant de la Pensylvanie ne se contient plus. « Ce n’est donc point assez, dit-il, que cet homme, cette âme damnée des Anglais, leur ait fait litière de nos aciers Bessemer et de nos aciers de cémentation ; il porte encore la