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L'INDIGENCE A PARIS
ET
L'ASSISTANCE PUBLIQUE

Toute agglomération considérable d’individus sur un point produit fatalement deux excès contraires : celui de l’indigence et celui de la richesse. Sous le rapport de ce douloureux contraste, Paris n’est dans le monde entier dépassé que par Londres, qui, en vertu de la constitution même du peuple anglais, offre le spectacle permanent d’une misère abjecte côtoyant la plus grandiose des opulences. Quoique chez nous les nuances soient moins accusées, elles existent, frappent les yeux, émeuvent les cœurs, inspirent aux philanthropes socialistes mille projets irréalisables pour le bonheur de l’humanité. Malgré tout ce qu’on a tenté, malgré les efforts d’une bienfaisance que rien ne décourage, malgré une législation très prévoyante qui a réuni, comme en un corps de doctrines, les mesures coutumières ou exceptionnelles dont nos frères usaient pour secourir les malheureux, on n’a que bien peu modifié l’état précaire où vit une partie du groupe parisien, et Chamfort pourrait répéter aujourd’hui ce qu’il écrivait de son temps : « En résumé, la société n’est jamais composée que de deux grandes classes : ceux qui ont plus de dîners que d’appétit, ceux qui ont plus d’appétit que de dîners. »

Quoi qu’on fasse, les dîners ne seront jamais au niveau des appétits, car trop souvent les appétits sont insatiables. Il faut dire aussi que deux causes surtout concourent à maintenir une partie de notre population dans la misère en éveillant ses mauvais instincts. L’une est géographique et découle de notre climat. La vie matérielle est coûteuse et par conséquent pénible dans nos pays