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réglisse, un pilon écrase les amandes douces, dont un pressoir extrait l’huile bienfaisante. La mécanique la plus occupée de tout l’établissement est le moulin qui triture la graine de lin et la réduit en farine ; il travaille sans repos ni trêve, car c’est par sacs grands comme des sacs de blé qu’on expédie dans les hôpitaux et dans les maisons de secours cette désagréable matière à cataplasmes. Dans la cour, des tonneaux en cuivre étamé et boulonné contenant l’eau de fleur d’oranger venue de Grasse sont gerbes les uns sur les autres comme des pièces de vin ; des voitures attelées chargent les médicamens qu’elles vont porter aux hôpitaux. A voir le grand mouvement et les richesses accumulées de ce puissant réservoir, il est difficile de ne pas éprouver une impression de respect, de ne pas trouver que la ville de Paris est une bonne mère, de ne pas admirer les efforts qu’elle fait pour soulager ses enfans malades.

Le magasin central n’a pas d’histoire ; il est tout battant neuf, car il a été inauguré le 1er janvier 1868 sur le boulevard de l’Hôpital, où il avoisine la Salpetrière. Il a pris la place de la filature des indigens, instituée en 1793 pour secourir les mères de famille pauvres qui ne pouvaient quitter leurs enfans. Cet établissement, qui subsistait encore il y a trois ans à peine, avait été installé impasse des Hospitalières, dans les bâtimens de la communauté des sœurs de la Charité-Notre-Dame, où Mme Scarron s’était retirée en attendant qu’elle devint une reine anonyme de France et de Navarre. On remettait à de pauvres femmes du lin, du chanvre, qu’elles filaient, — procédé primitif qui n’enrichissait guère les ouvrières et coûtait fort cher à l’administration, obligée de faire les achats de matière première en province, d’y réexpédier le fil afin qu’il fût tissé, et de faire revenir la toile. Si l’on a conservé longtemps cette institution, qui à l’époque de sa création n’avait qu’un caractère provisoire, c’était pour avoir un motif ou plutôt un prétexte d’aider des femmes malheureuses ; celles-ci dans les derniers jours de la filature étaient au nombre d’environ 600, qui toutes ont trouvé place dans des hospices ou des maisons de refuge. Les bâtimens, assez amples, mais à demi ruinés, servaient de magasin pour un certain nombre d’objets, principalement pour la literie ; les autres réserves étaient distribuées au hasard de la place disponible dans les divers hôpitaux de Paris. Ce système était défectueux, contraire à nos habitudes de centralisation ; il rendait la surveillance difficile et le contrôle illusoire. Le magasin central remédie à tous ces inconvéniens ; il se compose de plusieurs corps de bâtiment isolés très bien construits, d’un aspect qui n’est point déplaisant, outillés, aménagés d’une façon supérieure, et qui renferment les objets, les denrées que le temps n’altère pas et dont l’assistance publique fait usage.