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LE
BRIGANDAGE EN GRECE

Le drame de Marathon a provoqué en Europe et surtout en Angleterre un tel mouvement d’horreur, une explosion de sentimens si violens et si contradictoires, qu’il importe de présenter au public une appréciation équitable et raisonnée des faits. Plus intéressé que personne à distinguer le vrai du faux dans cette question, je me suis efforcé de l’étudier avec calme, sans parti-pris. J’ai cherché principalement à me placer au-dessus des opinions passionnées que les circonstances ont fait naître, et qu’elles semblaient ne justifier que trop. Il s’agit moins aujourd’hui de tirer vengeance du crime accompli que d’en prévenir d’autres semblables ; il s’agit moins de faire payer au gouvernement et au peuple grecs un malheur dont ils sont eux-mêmes les premières victimes que de les garantir, et l’Europe avec eux, contre le retour de pareilles catastrophes. Placé au centre de la population hellénique, j’ai entendu, depuis le crime d’Oropos, exprimer tant d’idées justes ou fausses sur la question, qu’il est, je crois, à propos d’en dégager ce qu’elles ont de vraisemblable et de pratique.


I

Les interrogatoires que les brigands arrêtés ont subis, les observations faites parmi eux à bien des reprises par des personnes capturées, puis relâchées après rançon, enfin les rapports d’une multitude innombrable de gens qui dans les provinces ont eu à souffrir de leurs déprédations, ont fait connaître de la manière la plus exacte les mœurs et les habitudes des brigands de la Grèce. Ils vivent le plus souvent par petites troupes isolées dans les montagnes dont le pays est hérissé. Le jour, ils se tiennent immobiles, soit dans les cavernes, soit sous des arbres, des buissons, ou à l’abri des