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modifications intempestives, fut écartée dès le principe par le parlement britannique.

Avant même que la nouvelle constitution ne fût mise en vigueur, le conseil législatif avait eu le soin de voter des pensions de retraite en faveur des anciens membres du gouvernement. Chacun comprenait que ces fonctionnaires, nommés par la couronne, ne resteraient plus en place dès qu’un parlement élu contrôlerait leur conduite. L’un d’eux, M. Thomson, secrétaire colonial, était cependant un homme de talent et d’expérience ; il avait été l’un des plus chauds promoteurs de la révolution libérale qui venait de s’accomplir ; malgré la popularité de bon aloi qu’il avait acquise, il n’osa pas affronter les périls de cette nouvelle situation. L’embarras était de former le premier ministère auquel incomberait le devoir de mettre en marche le régime parlementaire. Aucun parti n’était prêt à prendre le pouvoir, ou, pour mieux dire, il n’y avait pas de partis organisés. Si les hommes importans de la colonie s’étaient déjà trouvés en lutte, ce n’avait été que sur des questions locales, questions d’un intérêt bien secondaire en comparaison des affaires importantes qu’il appartenait maintenant au gouvernement colonial de résoudre. Le premier cabinet fut donc composé d’hommes que l’on avait souvent vus soutenir des principes opposés en politique, un libéral pour les affaires intérieures, un conservateur à la justice et un radical aux finances.

Le chef de cette administration était M. Donaldson, que l’étude des questions financières et un talent réel de parole avaient déjà mis en évidence. Il s’était empressé d’offrir un portefeuille à M. Cowper, qui, comme lui, avait été l’un des chefs de l’opposition contre l’ancien gouvernement. M. Cowper n’accepta point, blessé sans doute de ce que le gouverneur-général ne l’avait pas chargé lui-même de composer le ministère. C’était peut-être aussi de la prudence, car l’assemblée législative, fruit des premières élections générales, se montrait animée d’un esprit de mesquines taquineries qui ne présageait rien de bon. Ainsi, par exemple, M. Donaldson avait appelé au poste de trésorier un colon, M. Warren, dont la compétence en matière de finances n’était pas contestée ; mais, ce colon n’étant pas député, on l’avait nommé en même temps membre du conseil législatif, dont les sièges étaient encore en ce moment à la nomination du ministère. Les députés s’en émurent ; juges en premier ressort de toutes les questions de taxes et d’impôts, ils prétendirent que le ministre des finances ne pouvait être choisi en dehors de la chambre élective. Il fallut céder. M. Warren se démit de ses fonctions.

Après avoir fait cette concession à leurs adversaires, M. Donaldson et ses collègues n’en furent pas plus solides. Ils étaient entrés aux affaires le 22 janvier 1856 ; le 21 août de la même année, ils