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équinoxes, seuls momens où le jour et la nuit s’égalisent par toute la terre avant de croître ou de diminuer alternativement. L’obliquité des rayons solaires ou, ce qui revient au même, l’essor de l’astre central sur l’horizon se trouve en rapport nécessaire, avec cette : inégalité des jours et des saisons ; atteignant le zénith sous la zone torride seulement, on voit le soleil, sous les zones tempérées s’éloigner de plus en plus de la verticale en décrivant des arcs de cercle de moins en moins élevés, jusqu’à ce qu’au-delà des cercles polaires il disparaisse entièrement pendant l’hiver et cesse de se coucher en été. Il rase alors l’horizon en répandant une lumière dont la continuité même est impuissante à corriger la faiblesse, tandis que des brumes incessantes et des tourmentes de neige en voilent la tardive et courte splendeur. La progression des jours et des nuits polaires est du reste des plus rapides quand on s’avance d’un lieu donné vers un autre plus reculé vers le nord. Le jour de vingt-quatre heures, commence un peu au-delà de Tornea, où, une fois dans l’année, on aperçoit le soleil de minuit ; au Cap-Nord, par 71°,12’ lat., le jour estival est déjà de deux mois ; il est de quatre mois au Spitzberg vers le 78° degré latitude. Il est vrai que dans ce dernier pays le soleil s’élève au plus de 37 degrés au-dessus de l’horizon ; il n’envoie que des rayons sans chaleur, telun imbelle. sine ictu ; il éclaire de sa lueur pâle une terre glacée où frissonnent quelques rares plantes ensevelies sous les frimas, et qui ne sortent du sommeil qui les tient dix mois inertes que pour accomplir hâtivement leurs fonctions vitales et se rendormir de nouveau. Quel tableau, si l’on songe aux forêts vierges du Brésil et de Java, aux vallées profondes du Népaul, aux savanes noyées de l’Orénoque, où la vie surabonde, où une lumière ardente, vive et dorée, ondule de toutes parts, soulève de tièdes vapeurs, joue avec l’ombre et fait resplendir les formes des plus merveilleux végétaux ! Sous les tropiques, l’homme se sent écrasé par une vie exubérante ; il lutte incessamment pour maintenir sa place au milieu de la nature dont il est dominé ; ses plus fortes œuvres sont envahies en peu de temps ; les arbres immenses reprennent possession du sol, dès que celui-ci est abandonné à lui-même. Dans l’extrême nord, la faiblesse de l’homme est encore plus évidente, mais c’est du poids de la nature inerte qu’il est accablé. Les élémens règnent seuls dans ces régions dévastées, où l’atmosphère se trouve livrée à d’épouvantables tourmentes. La neige dérobe les aspérités du sol, la glace couvre la mer d’un sol factice, souvent mobile et toujours dangereux ; la confusion est partout, le calme nulle part ; chaque pas est pénible, la vie elle-même devient un effort que l’énergie la mieux trempée ne peut soutenir longtemps sans succomber. Ce sont là des contrastes inouïs,