Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 88.djvu/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne croissent plus maintenant que de maigres bouleaux et seulement dans les parties méridionales de l’île, ont donné lieu, en se décomposant, à un charbon tourbeux, nommé surturbrand, que les habitans utilisent comme combustible, et que séparent des lits de tuf où les feuilles ont laissé leurs empreintes. Il en est de même au Spitzberg, où des plantes marécageuses, devenues fossiles, dominent sur certains points, tandis que sur d’autres les cyprès chauves, les thuyas, les platanes, les tilleuls et les pins, encore reconnaissables, prouvent que les grandes forêts s’avançaient jusque-là sans rien perdre de leur puissance. On voit que les eaux ruisselaient autrefois sur le sol arctique, et remplissaient le fond des vallées de lagunes bordées d’une riche ceinture de végétaux arborescens.

Mais la constatation de cet ancien état de choses n’était qu’un premier pas ; il fallait qu’une science sûre d’elle-même vînt prononcer en dernier ressort sur la signification de tant de débris. Un dépouillement du dossier polaire était nécessaire pour en saisir le sens et en déterminer l’âge, c’est-à-dire pour établir l’époque avancée ou reculée, primitive ou récente, à laquelle on doit les rapporter. La tâche immense de classer les collections arctiques, dévolue à M. le professeur Heer de Zurich, a exigé de sa part des années de labeur ; mais elle a conduit à des résultats décisifs, et ce savant a constaté, en publiant toutes ces plantes, que la plupart d’entre elles appartenaient à la végétation miocène, végétation déjà étudiée en Europe, la mieux connue et la plus généralement répandue de toutes celles des anciens âges.

L’une des conséquences des recherches de M. Heer est la certitude, désormais acquise à la science, du non-déplacement de l’axe terrestre. Le pôle, pour mieux dire, occupait dans l’âge tertiaire le même point géographique que de nos jours. Les latitudes étaient aussi disposées dans le même ordre ; seulement toutes recevaient plus de chaleur, et par suite la ligne des tropiques remontait bien plus loin dans la direction du pôle. La différence lors de la période miocène peut être évaluée à 25 ou 30 degrés de latitude en ce qui concerne les régions du nord, c’est-à-dire qu’il faut aujourd’hui descendre jusqu’au 40e ou 45e degré pour retrouver la température et la végétation qui existaient alors vers le 70e degré dans le Groënland. L’immutabilité du pôle ressort de la comparaison des plantes. miocènes recueillies sur les bords du fleuve Mackensie et dans le territoire de l’Alaska (Amérique russe) avec celles du Spitzberg, de l’Islande et du Groenland. Les plantes des premières localités se trouvent séparées de celles de l’Islande et du Spitzberg par près d’une demi-circonférence du cercle polaire, et leur longitude