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s’écarte d’au moins 80 degrés de celles des côtes occidentales du Groenland. Cependant partout se montrent les mêmes combinaisons végétales et en partie les mêmes espèces. Ces espèces, alors comme maintenant encore, caractérisent par leur présence les régions arctiques, et quelques-unes paraissent leur avoir été spéciales. Ce n’étaient pas, il est vrai, ces rares gazons, ces plantes naines et rampantes, ces fleurs aux teintes pâles, rapidement écloses sous l’influence des courts étés de notre pôle ; ce n’était pas même cette verdure sombre et immobile que les sapins prêtent à des régions déjà plus tempérées, et dont la sévère beauté n’efface point le caractère morne. C’étaient de puissans tilleuls, des ormes, de grands érables, des houx, des bouleaux et des charmes, des aulnes et des peupliers au feuillage mobile ; c’était plus encore, puisqu’au milieu de ces arbres on aurait admiré les mêmes séquoias, les mêmes cyprès chauves qui habitent la Louisiane et la Californie, des platanes, des chênes, des magnolias et des tulipiers presque semblables à ceux de la partie méridionale des États-Unis. Cet ensemble s’étendait sans interruption, servant de ceinture au pôle miocène, présentant la même unité de caractère et presque la monotonie qui distinguent encore la végétation polaire, sur quelque point de son domaine qu’on aille l’observer. En effet, la conformité des conditions extérieures se traduit toujours par l’uniformité de physionomie des êtres vivans qui s’y trouvent soumis.

Voici, à propos même de cette uniformité, une remarque due à M. Heer, et qui met dans tout son jour l’esprit ingénieux de ce savant. Les plantes de l’Alaska sont trop pareilles à celles du Mackensie et celles-ci aux plantes d’Atanekerdluk pour ne pas dénoter l’existence d’un climat identique sur tous ces points supposés contemporains. Or leur latitude respective diffère d’une manière sensible ; elle est de 57 degrés pour les îles Sickta dans l’Alaska, de 65 degrés pour le gisement du Mackensie, de 70 degrés pour celui du Groenland. Une concordance aussi complète malgré un écart aussi prononcé dans la situation géographique est attribuée par M. Heer à l’inflexion des lignes isothermes, inflexion en rapport sans doute avec la distribution ancienne des terres et des mers, et qui ne serait pas sans analogie avec ce qui existe de nos jours, où l’isotherme de 0 degré s’éloigne peu du 55e parallèle dans le centre des deux continens, tandis qu’il dépasse le 70e à la hauteur du Cap-Nord.

Il ne nous reste plus maintenant qu’à suivre l’ordre des latitudes miocènes, en marquant le degré de chaleur assigné à chacune d’elles à partir de la plus avancée vers le nord. La moyenne annuelle du Spitzberg à cette époque est évaluée par M. Heer à un minimum