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manière appréciable lorsque l’on s’avance plus au sud pour se placer en Grèce ou en Asie-Mineure, vers le 38e degré de latitude. Tous ces pays faisaient alors partie au même titre de la zone tropicale, peut-être moins excessive que maintenant, mais certainement plus étendue dans la direction du nord, puisque la limite boréale des palmiers, au lieu de s’arrêter au 30e ou au 35e degré de latitude[1], comme maintenant, dépassait un peu le 50e.

Le tableau climatérique que nous venons d’exposer est le plus complet de ceux que la paléontologie est parvenue à composer jusqu’ici. En ce qui concerne les périodes plus anciennes que le miocène, nous n’avons encore que des observations éparses ; elles suffisent cependant pour démontrer que la progression de la chaleur ne cesse pas de se prononcer dans le sens des latitudes, à mesure que d’un âge plus récent on passe à une période plus reculée et à raison même de cette ancienneté relative. Forcé de condenser en quelques pages des notions par elles-mêmes très complexes, nous avons négligé de faire voir que dans les pays où les documens étaient les plus riches, comme la Suisse et le midi de la France, la période miocène se montrait d’autant, plus chaude qu’on l’observait à un moment plus rapproché de son origine. Dès que l’on aborde la période éocène, la multiplication, l’extension des palmiers dans le nord, la présence des pandanées, des bananiers et d’autres plantes exclusivement tropicales, jusque dans l’Angleterre et l’Allemagne du nord obligent bien d’admettre une nouvelle diffusion de la zone tropicale et l’existence d’une moyenne annuelle de 25 degrés centigrades pour tous les points du continent européen où notre investigation a pu porter. Parvenu à cette limite après avoir suivi pas à pas le mouvement qui pousse vers le nord la ligne des tropiques, il ne reste plus qu’à la voir s’avancer au-delà même du cercle polaire, de manière à égaliser enfin tous les climats. C’est ce qui est arrivé effectivement, et quoique la pénurie relative des documens s’oppose à la détermination exacte du moment où le phénomène s’est trouvé accompli, l’existence même n’en saurait être douteuse, tant les indices qui viennent à son appui sont sérieux et répétés.

  1. Je néglige quelques rares exceptions ; la principale nous est fournie par le chamœrops humilis ou palmier nain, qui s’avance jusqu’en Espagne et en Sicile, et se maintenait à l’état sauvage près de Nice il y a quelques années. C’est là plutôt un dernier vestige du retrait successif des palmiers, chassés de l’Europe par la rigueur croissante du climat. On sait que le dattier, dont la tige supporte sans périr plusieurs degrés de froid, ne mûrit parfaitement ses fruits ni dans l’Algérie proprement dite, ni même dans le Maroc. La région où le dattier est cultivé pour ses fruits ne commence qu’au sud de l’Atlas avec les premières oasis, et plusieurs de ces oasis, situées dans de profondes dépressions, constituent pour ainsi dire un sol artificiel où se concentre une chaleur bien supérieure à celle de la contrée environnante.