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façon, à l’aide de ses auteurs favoris, Straccha et Scaccia ; il n’y est resté que quelques jours, et il a fait au plus vite ce traité qui le met dans l’alternative de manquer de parole à l’Espagne ou au sénat. Il y avait pourtant un moyen bien simple d’éviter ces inconséquences de situation : c’était d’aborder franchement la question, sans essayer de marchander au sénat le droit d’avoir une opinion. M. le garde des sceaux a voulu ruser avec le droit des assemblées, il l’a reconnu à demi en le déniant à demi, et c’est là ce que nous appelons une pratique peu sérieuse des institutions parlementaires, un procédé passablement équivoque avec lequel on se procure tous les inconvéniens du système constitutionnel sans en avoir les avantages.

Le régime parlementaire a ses conditions naturelles, dont la première est certainement une virile sincérité, une politique sans réticences de la part de ceux qui sont au pouvoir, et il y a une autre condition qui n’est pas moins essentielle, qui ne dépend pas du gouvernement seul : c’est que ce droit d’intervention dans les affaires publiques, qui se relève aujourd’hui, ne s’égare pas dans la confusion des fantaisies individuelles. C’est le corps législatif particulièrement qui peut désormais donner la force et la vie aux institutions nouvelles ; mais comment le peut-il ? En sachant tout simplement se servir des droits qu’il a retrouvés, en prenant lui-même au sérieux le régime parlementaire. C’est là justement la question qui s’agite depuis six mois à travers toutes les péripéties d’une session qui aurait pu être féconde, et qui n’aura pas tenu tout ce qu’elle promettait. Le corps législatif est arrivé presque au bout de sa carrière pour cette année, il touche à la discussion du budget, qui sera la clôture naturelle et désirée de ses travaux, et en réalité qu’a-t-il fait ? Il a multiplié les interpellations, les dialogues avec les ministres, les propositions. Malheureusement, si l’on a eu l’air de mettre la main à tout, on n’a rien terminé. On n’a pas vu que l’essentiel était, non de vouloir tout réformer à la fois, mais de préciser, de concentrer l’action parlementaire pour la rendre efficace. On s’est attaché souvent au superflu, et on n’a pas fait le nécessaire. Des commissions se sont épuisées à préparer des lois dont on a fini par ne plus s’occuper, ou qu’on a bâclées au dernier moment, d’un tour de main, par quelque compromis de hasard. Certes il n’y a pas d’exemple plus curieux que ce qui s’est passé récemment à propos du timbre des journaux. Pendant des mois, une commission a employé son temps à étudier une proposition émanant de l’initiative individuelle et tendant à l’abolition complète du timbre. C’était facile à proposer ; il fallait bien seulement trouver un moyen de rendre au budget la somme qu’il allait perdre, car c’est là toujours l’inconvénient de ces propositions financières isolées, souvent improvisées, qui viennent jeter le désespoir dans l’âme des ministres des finances. Pendant que la commission se réunissait et travaillait sans trêve, le gouvernement cherchait à son tour une combinaison qui pût