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ordres, les deux princes se soumettaient sans murmurer. Depuis ils n’ont jamais conspiré, ils se sont honorés par les travaux de l’esprit. Ceux des princes d’Orléans qui ont voulu se mêler aux événemens de leur temps se sont mis au service de grandes causes. M. le comte de Paris est allé combattre aux États-Unis pour l’intégrité de la république américaine, M. le duc de Chartres a fait à côté de l’armée française la campagne d’Italie. Les uns et les autres demandent aujourd’hui à rentrer dans la France pacifiée et libérale comme des citoyens qui aspirent à retrouver le foyer natal. Le sentiment qui a dicté leur démarche est une de ces choses qui ne se discutent pas ; seuls ils sont juges de ce qu’ils peuvent et de ce qu’ils doivent. Que celui qui n’a jamais compté de proscrits parmi les siens trouve une parole dure pour les regrets et les désirs que peut inspirer le sentiment invincible de la patrie perdue ! C’est au corps législatif de prononcer, puisqu’il y a une loi, et qu’une loi ne peut être rapportée que par les chambres. Dans tous les cas, ce n’est point assurément un danger d’agitation que les princes d’Orléans auront voulu ramener en France.

Ce n’est pas tout cependant pour un pays que de vivre dans les émotions et les diversions de la politique, toujours féconde en petites ou grandes péripéties. La politique va comme elle peut, et pendant qu’on fait des discours dans les assemblées, et qu’on délibère dans les conseils, il peut y avoir des accidens, des sujets de préoccupation publique, qui ne sont pas moins graves, qui pèsent d’autant plus sur l’opinion que la prévision humaine ne peut intervenir que par des palliatifs trop souvent inefficaces. La préoccupation aujourd’hui, c’est cette dureté obstinée de la saison, c’est cette implacable sérénité du ciel qui dessèche les campagnes, et risque de tarir ou d’appauvrir dangereusement toutes les ressources de la vie. Une crise de parlement, un changement de ministère, cela s’est vu encore, et une nation n’en mourait point. Une récolte de moins, l’approvisionnement général du pays diminué, les productions de la terre flétries et frappées de stérilité jusque dans leurs racines, c’est la misère en perspective, l’activité universelle suspendue ou paralysée, la réduction du travail combinée avec l’augmentation inévitable du prix de toutes les subsistances. C’est tout cela qui nous menace. Il y avait longtemps que la sécheresse n’avait sévi avec cette intensité cruelle ; et n’avait pris ce caractère d’un fléau redoutable. Sans doute il ne faut point assombrir le tableau et se laisser aller à ces paniques qui n’ont jamais remédié à rien ; il faut voir le mal de sang-froid, et le combattre de son mieux. Ce n’est point précisément la récolte du blé qui est le plus atteinte, les moissons déjà faites dans certaines parties de la France, laissent entrevoir un déficit qui n’est pas absolument inquiétant : d’ailleurs au temps où nous sommes, avec la rapidité des communications qui se ramifient de toutes parts, avec les facilités qu’on peut multiplier, il est toujours possible d’avoir du blé, à moins de l’un de ces fléaux qui