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pour la supplier de me mander si ses idées sur la Pologne subsistent, si elle désire que le prince royal et électoral de Saxe soit éloigné du trône de Pologne… Quelques dégoûts que j’éprouve journellement, je les supporterai sans peine dès que je pourrai imaginer que mes services lui sont le moins du monde agréables. Ce n’est pas le seul sacrifice que je lui aie voué depuis longtemps, et j’envierais le sort de mon frère, qui vient de perdre la vie pour votre majesté, s’il avait versé son sang dans une circonstance qui eût été utile et glorieuse au service de votre majesté. »

Et dix jours après il écrivait encore : « Je supplie très humblement votre majesté de se souvenir que dans les instructions secrètes qui ont été remises de sa part par M. Tercier, il y est dit expressément de tâcher de concilier les ménagemens que sa majesté veut avoir dans les circonstances présentes pour la Russie avec les sentimens qu’elle a toujours eus pour la Pologne, mais qu’au cas qu’il ne fût pas possible de combiner les deux choses, qui sont véritablement difficiles à accorder, elle voulait que les intérêts des Polonais eussent toute préférence. Par les dépêches qui partent du conseil, le contraire de cet article de mes instructions n’est pas dit formellement, mais il est facile de sentir que tel en est l’esprit ; votre majesté peut juger moyennant cela de mon embarras, et je sens qu’il ne saurait qu’augmenter tous les jours, parce que la Russie et le comte de Brühl ne cessent de faire de grands pas vers la réussite de leurs vues à l’abri des ménagemens que je suis obligé d’observer, et qui deviennent plus difficiles et plus dangereux à mesure que les projets des autres cours se développent. Je supplie donc, sire, votre majesté de daigner venir à mon secours en me faisant de nouveau connaître sa volonté. Le projet que je suis secrètement par ses ordres depuis cinq ans n’est pas le mien ; j’y ai été attaché parce qu’il me paraissait très analogue à ses intérêts, et j’y ai travaillé à remplir ses intentions sans me laisser imposer par aucune autre considération : je continuerai de même, si elle me l’ordonne, quoique je sente parfaitement combien il est dangereux pour moi de finir par y succomber. Je connais au contraire l’avantage personnel que je trouverais à n’être occupé qu’à bien vivre avec M. le comte de Brühl, à mériter par cet unique moyen la bonté de sa majesté polonaise, à me concilier l’approbation de toutes les cours alliées, qui ne contribueraient pas peu à me procurer celle du ministre de sa majesté. Je sais bien qu’on se rend désagréable en n’annonçant que des difficultés qui peuvent embarrasser le reste du système ; mais toutes ces réflexions sont subordonnées à l’obligation où je suis de dire le vrai et d’exécuter les ordres de votre majesté malgré les obstacles sans nombre qui peuvent se rencontrer. Pourvu que je