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qui avaient donné des preuves d’attachement à l’époque de l’insurrection : les maharajahs de Goualior, de Jeypour et d’Alwar. Voici le discours qu’il adressa au second de ces trois princes :


« Maharajah de Jeypour,

« La présence à ce dourbar d’un prince issu des plus anciennes et des plus nobles familles du Rajpoutana, et d’un des plus fidèles feudataires de la couronne britannique, m’est des plus agréables. Le territoire de Jeypour n’a pas été aussi tourmenté que d’autres par la révolté ; néanmoins vous n’avez pas manqué d’occasions de déployer votre fidélité. Quand un corps de rebelles s’approcha de votre capitale et vous somma de leur livrer les officiers anglais qui s’y trouvaient, vous leur répondîtes : « Venez les chercher ! « Vous avez entouré d’une protection attentive et respectueuse la famille de l’agent politique, que ses fonctions avaient éloigné de votre capitale. Et lorsque vous jugeâtes le moment favorable, vous avez fait conduire dans cette ville et sous une bonne escorte 50 chrétiens, vous nous avez en outre prêté un secours efficace en autorisant nos troupes à traverser en toute liberté votre pays.

« En reconnaissance de ces services, je vous prie d’accepter le district de Kote-Kasim, qui à l’avenir fera partie de votre territoire. Il était un apanage du roi de Delhi ; mais la trahison de ce monarque l’en a dépouillé. En l’ajoutant à votre province, je suis certain de le mettre dans de bonnes et loyales mains.

« Je saisis cette occasion pour vous exprimer publiquement ma reconnaissance de ce que vous avez rempli fidèlement vos promesses en supprimant d’une main ferme les sutties dans toute l’étendue de votre territoire, et en abrogeant le droit d’asile attaché à des « sanctuaires, droit dont des criminels se couvraient pour échapper à la justice. »


Cette tournée officielle fut signalée par un acte de justice qui soulagea bien des cœurs. Quand un prince hindou n’avait pas d’enfant mâle, il en adoptait un, auquel il laissait sa couronne ou ses titres. Lord Dalhousie avait décrété que le domaine d’un prince qui mourait sans héritier direct revenait de droit au gouvernement anglais. Cette décision ne supprimait pas seulement une antique coutume, elle blessait au vif le sentiment religieux, car c’était à l’héritier naturel ou adoptif à présider à toutes les cérémonies religieuses qui seules pouvaient assurer au défunt l’entrée dans l’olympe brahmanique. Enlever aux seigneurs ce droit, c’était donc compromettre leur avenir éternel. L’on comprend la joie qu’ils durent éprouver en apprenant qu’il leur était rendu, et que leur départ serait accompagné de ces précieuses cérémonies qui seules pouvaient leur garantir une heureuse existence au-delà de la tombe.