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Lord Canning, avons-nous dit, resta près de six ans à son poste. Il l’aurait gardé plus longtemps, s’il n’eût pas eu la douleur de perdre sa femme. Ce coup assombrit son séjour aux Indes. Il résigna ses fonctions le 12 mars 1862, espérant recouvrer sous le ciel d’Angleterre une santé que celui des Indes avait détruite ; mais ses espérances ne se réalisèrent pas, et il succomba peu de jours après son retour.

Son successeur, lord Elgin, ne fît pour ainsi dire qu’une apparition dans sa vice-royauté. Après être resté quelques mois au siège de son gouvernement pour en étudier le mécanisme et se mettre au courant des affaires, il partit le 5 février 1863 pour faire une tournée officielle dans les provinces supérieures. Il tint au milieu d’un appareil tout oriental des dourbars dans toutes les grandes villes de ces riches contrées, et se rendit ensuite à Simla pour se mettre à l’abri des chaleurs des basses terres. Le site sur lequel ce sanitarium s’élève est un des plus beaux des Alpes asiatiques ; aussi est-il couvert de cottages anglais de toute grandeur, et sert-il de rendez-vous à la meilleure société anglo-indienne du vaste bassin du Gange. Dans les premiers jours de l’automne, lord Elgin quitta sa belle résidence d’été pour retourner au chef-lieu de l’empire. Il voulut passer par la vallée de Kangra, une des plus belles et des plus pittoresques du système himalayen : tous les degrés d’élévation s’y trouvent, depuis le simple accident de terrain jusqu’à la montagne dont la crête surpasse en altitude les pics les plus élevés des Andes. On y traverse aussi tous les degrés de température qui remplissent l’intervalle entre les chaleurs de la zone torride et les froids les plus rigoureux. La flore la plus variée et d’une grande richesse couvre la vallée de Kangra d’un magnifique manteau. En se rendant au village de Dhourmsalla, station militaire et demeure de quelques employés de l’administration, il dut franchir le val de Botung, situé à 16,000 pieds au-dessus du niveau de la mer, et d’où le plus splendide panorama se déroule aux regards du voyageur. Lord Elgin resta une heure à contempler ce ravissant spectacle par un froid piquant. Entraîné par la beauté des tableaux qui se modifiaient à chaque instant, il ne tint aucun compte des exigences de sa santé, si bien qu’en arrivant à Dhourmsalla il dut se mettre au lit ; mais ce qu’il avait pris d’abord pour de la fatigue n’était autre chose que les symptômes d’une maladie dont il mourut bientôt après.

Ce ne fut pas dans les rangs de la noblesse et parmi les hommes d’état que le ministère choisit le successeur de lord Elgin. Contrairement à ses principes et à ses précédens, il appela cette fois à la vice-royauté l’ex-gouverneur du Pundjab, sir John Lawrence, qui