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l’attachement de l’Hindou pour son culte est-il des plus profonds. Souple, malléable à un degré étonnant, il ne montre de résistance que par ce côté.

La compagnie des Indes orientales, qui ne voulait que s’enrichir, se garda bien de donner de l’ombrage à ses sujets sur ce point. Elle avait bien appelé des chapelains pour les troupes anglaises, des pasteurs pour la population européenne, créé des évêchés dans chacune de ses présidences ; mais ordre fut donné à tout ecclésiastique de ne faire aucun prosélytisme. Quand les deux premiers missionnaires arrivèrent à Calcutta avec l’intention avouée de répandre le christianisme parmi les indigènes, on leur donna vingt quatre heures pour repartir. Ils durent se retirer dans la station danoise de Serampore, où plusieurs autres missionnaires se joignirent à eux. Le drapeau Scandinave eut donc ainsi l’honneur de couvrir de sa protection un des groupes d’hommes les plus remarquables par leurs talens, leur zèle et leur dévoûment. Ils ont ouvert les premières écoles primaires pour les Bengalais. Ils ont établi une imprimerie après avoir fait fondre les caractères propres aux différentes langues parlées dans le bassin du Gange. Ils ont composé des grammaires pour l’étude de quelques-unes de ces langues dans lesquelles ils ont traduit la Bible, et pour celle du sanscrit. Ils ont publié en bengali, qu’ils s’étaient approprié à fond, plusieurs ouvrages qui ont formé la première assise de la littérature indigène ; mais ce ne fut qu’en 1834, à une époque où la législature anglaise ouvrit les Indes à tous ceux qui voudraient y aller planter leur tente, que l’œuvre des missions chrétiennes prit un élan considérable. Tous les grands corps religieux relevant du christianisme y envoyèrent des représentans qui rivalisèrent de zèle et d’activité.

Ce mouvement, combiné avec les efforts civils du gouvernement, ne peut manquer de produire à la longue de sérieux effets. Tôt ou tard il faudra que la civilisation européenne pénètre toutes les classes de la société hindoue et l’entraîne. La lutte sera longue, opiniâtre, et, pour sauvegarder l’honneur du caractère national, on s’arrêtera d’abord à mi-chemin. Le brahmoïsme[1] en est un exemple. Cette secte, née dans le sein du brahmanisme, fait chaque jour des progrès dans les classes éclairées et indépendantes du pays. C’est un déisme fondé sur les dogmes de la religion naturelle, et auxquels se rattache la loi morale. En général, le christianisme a fait plus de progrès dans les provinces du nord-ouest que dans celles qui composent les trois anciennes présidences. Le mouvement littéraire et civilisateur y est aussi plus prononcé. On y a publié dans le courant de l’année 1868 41 romans, 253 ouvrages

  1. De Brahma Somaï, église du Dieu unique.