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des marchandises venues par navires américains depuis le 1er janvier 1809, et aux moyens de police destinés à punir ou à prévenir la contrebande. D’après l’article 13, les agens français pourront saisir tout magasin d’objets prohibés en France qui serait établi à moins de quatre lieues de la frontière française. L’article 15 est curieux. « Plein de confiance dans la manière dont ces engagemens seront remplis, sa majesté l’empereur et roi garantit l’intégrité des possessions hollandaises. » C’était au moins la troisième fois que sa majesté la garantissait. D’autres articles, ceux-ci tenus secrets, stipulaient que l’armée franco-hollandaise serait commandée par un général français, que les bâtimens américains admis par Louis dans ses ports seraient saisis, enfin que le roi de Hollande n’aurait plus d’ambassadeur ni à Vienne ni à Saint-Pétersbourg. Cette dernière clause était dictée par la défiance de Napoléon, qui craignait d’être contrarié dans ses menées politiques auprès de ces deux cours par les ministres de ses frères. Il avait notifié à Murat la même interdiction. Pour Louis, qui aimait tant à représenter comme roi, une telle défense dut être amère.

Quant au reste, tout commentaire serait superflu. La seule raison valable que Napoléon pût alléguer, c’était le quia nominor leo. Jamais le droit du plus fort ne s’était plus hypocritement déguisé sous la forme d’une transaction. Roëll refusa de signer ce qui lui paraissait la honte et la ruine de son pays, et laissa ce triste honneur à Ver Huell. Il prit aussitôt ses dispositions pour rentrer dans la vie privée, ce qu’il fit peu de semaines après. Le roi, de son côté, ne put résister au désir de se donner une petite satisfaction, pensant bien qu’elle passerait inaperçue de l’empereur, tout entier à sa seconde lune de miel ; il destitua M. Van de Poll, bourgmestre d’Amsterdam, qui était trop bien avec le ministre de France et avait blâmé tout haut les préparatifs de Kraijenhof. C’était un mince dédommagement à tous ses déboires, et qui devait bientôt lui en attirer de nouveaux.


XIII

Le 8 avril 1810, le roi Louis quitta Paris pour retourner dans son royaume démembré. Il n’y rentra pas seul. Napoléon voulait absolument que le roi et la reine de Hollande se réconciliassent, au moins en apparence. Il n’était pas fâché d’éloigner quelque temps Hortense de la cour, où sa position devant la nouvelle impératrice n’était pas toujours très facile. Les deux époux ne firent pas route ensemble. Hortense prit le chemin direct par Bruxelles et Anvers ; le roi, qui ne se souciait pas de traverser les provinces dont il venait de signer la cession, fit un détour par Aix-la-Chapelle. Le