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celle-là, qui est leur condition première et le trait le plus spécifique de la vie. Un autre caractère des élémens anatomiques est l’évolution, bien distincte de la nutrition. Ces petits corps au moment où ils apparaissent ne sont pas semblables à ce qu’ils doivent être plus tard. A mesure qu’on s’éloigne de l’instant de leur naissance, on observe qu’ils offrent un aspect différent de celui qu’ils avaient antérieurement. Ils acquièrent un volume plus considérable et se compliquent de parties nouvelles, de formes plus parfaites, qui disparaîtront à leur tour, en sorte que chaque élément trace ainsi une courbe évolutive dont le sommet, représentant l’état adulte, est atteint plus ou moins rapidement.

Si la nutrition et l’évolution appartiennent à tous les élémens anatomiques, la contraclilité est l’apanage d’un très petit nombre d’entre eux. Elle est propre aux fibres musculaires, où elle présente deux modes. Dans les fibres musculaires striées de la vie animale, elle est- brusque et rapide ; dans les fibres lisses de la vie organique, elle se fait avec lenteur. C’est de cette propriété que dépendent tout mouvement et toute locomotion, puisque c’est elle qui donne la force aux muscles.

L’innervation est la propriété des élémens nerveux. Les manifestations en sont complexes et diversifiées, mais elle est surtout caractérisée par ce fait, que, loin de borner son rôle à une action locale, elle rayonne à distance et transporte au loin son influence. La cellule nerveuse trouve en effet dans les tubes nerveux qui en émanent, dans la cellule congénère qui lui est annexée, soit des appareils conducteurs chargés d’exporter la force qu’elle produit, soit un véritable appareil récepteur chargé d’emmagasiner cette force et de la propager à distance sous une nouvelle forme. Véritable couple électrodynamique, comme l’a si bien exprimé M. Luys, l’appareil nerveux ainsi réduit à sa plus simple expression engendre lui-même la force qu’il transmet à distance. Il la conduit, la reçoit et la transforme à l’instar des appareils de transmission électrique, qui représentent dans l’appareil générateur d’électricité la cellule d’émission, dans le fil interposé le tube nerveux, et dans la cellule située à l’autre extrémité du tube l’appareil récepteur destiné à enregistrer et à traduire sous une forme nouvelle l’incitation du départ. Cette force, tantôt centripète comme la sensibilité, tantôt centrifuge comme la pensée, est aussi centripète et centrifuge à la fois comme la motricité ; mais ce qu’il y a de plus caractéristique dans les actes d’innervation, c’est leur spontanéité. Les cellules nerveuses ont la propriété de conserver l’impression des agens extérieurs qui ont influé sur elles et de persister pendant un temps plus ou moins prolongé dans cet état où elles ont été artificiellement placées. C’est