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était cultivée, et chaque famille y avait une part ; seulement cette part n’était ni séparée ni clôturée. Toute l’étendue cultivée était divisée en trois champs soumis à la rotation triennale. L’un était emblavé de céréales d’hiver, le second de céréales de printemps, le troisième restait en jachère. La part d’une famille devait donc être composée de trois parcelles, une dans chacun de ces trois champs, sinon, une année sur trois, elle n’aurait pas eu de récolte. La culture se faisait en commun, en même temps et de la même façon, parce que, la récolte terminée, le bétail venait pâturer sur les chaumes et sur la jachère. C’est ce qu’en allemand on appelle flurzwang. Ce régime existe encore dans certaines parties de l’Allemagne. On le retrouve chez les Saxons de la Transylvanie et dans la province néerlandaise de la Drenthe. Dans l’Angleterre anglo-saxonne, les parts étaient tantôt possédées viagèrement, tantôt tirées au sort, tantôt soumises à un roulement, de façon que le même lot passait tour à tour dans les mains de tous. L’époque des labours, des semailles et de la récolte était réglée par l’assemblée des habitans. L’individu, pour son travail comme pour sa propriété, était. donc complètement lié par les usages et les décisions de la communauté. Il ne possédait réellement en propre que sa demeure et une partie de terre voisine, qu’il avait le droit d’enclore, où il laissait courir le jeune bétail qui n’allait pas encore paître sur le communal, La clôture était le signe de la propriété individuelle. Les hommes du même village entouraient souvent toute la partie cultivée d’une haie vive ou d’une clôture en bois. De là le nom du village anglais, tun, town, zaun, haie en allemand, tuin, jardin en hollandais, et ces terminaisons en tun, dun, si fréquentes dans les noms de localité de toute l’Europe ancienne.

Le régime agraire de l’époque saxonne, complètement semblable à celui de toutes les tribus germaniques, assurait à l’homme une indépendance très favorable à la dignité et à la force du caractère, car il avait sa propriété pour ainsi dire inaliénable. Être propriétaire était une qualité inhérente à celle d’homme libre. Le sol ne se vendait ni ne se louait, chacun le cultivait dans la mesure de ses besoins. Une grande égalité régnait, nul n’était riche, et nul n’était indigent. Comme la vie était très simple, le travail de la famille appliqué à une grande étendue de terrain, le produit des troupeaux et de la forêt, suffisaient à pourvoir à toutes les nécessités. Tout homme prenait part aux délibérations communes, était prêt à défendre le territoire commun les aimes à la main. Vers la fin de l’époque saxonne, une aristocratie s’était formée. Au-dessus des eorls et des ceorls s’élevaient les thanes, grands propriétaires qui avaient des esclaves, et qui ressemblaient assez à des seigneurs féodaux. Il