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avaient rempli les maisons d’arrêt. La lettre du traité parlait bien de surveiller les côtes ; mais où commencent-elles, où finissent-elles en Hollande ? Cela est souvent difficile à dire. Le Zuiderzée, qui est une mer intérieure, devait-il être sous ce prétexte cerné par les douaniers français ? Vlardingen, Rotterdam, Schiedam, Dordrecht, etc., bien que villes d’intérieur, sont, commercialement parlant, villes du littoral, puisque les navires de mer y abordent directement. Il fallait donc, pour réaliser l’intention du traité, y placer des douaniers, les appuyer de détachemens militaires, en un mot, sous ombre de surveiller les côtes, occuper tout le pays. Les conflits sans cesse renaissans entre les habitans et les autorités militaires françaises n’étaient pas aplanis par le fait que le roi de Hollande avait enjoint à ses employés de n’obéir qu’à lui. Des deux côtés, on commandait au nom de sa majesté, et les inférieurs ne savaient jamais à quelle majesté se vouer pour être en sûreté. Le roi s’en plaignit à son frère. La réponse que lui fit l’empereur est un tissu de paradoxes où rien n’est clair si ce n’est le désir de le pousser à une abdication forcée. Datée d’Ostende le 10 mai 1810, elle reprochait au roi de Hollande de n’avoir pas su se soumettre entièrement aux idées de l’empereur, lui annonçait que ses sujets, ballottés entre la France et l’Angleterre, ne tarderaient pas à « se jeter dans les bras de la France. » — « Louis, disait l’empereur en terminant, vous ne voulez pas régner longtemps ; toutes vos actions décèlent mieux que vos lettres intimes les sentimens de votre âme. Écoutez un homme qui en sait plus qua vous. Revenez de votre fausse route ; soyez bien Français de cœur, ou votre peuple vous chassera, et vous sortirez de Hollande l’objet de la risée et de la pitié des Hollandais. C’est avec de la raison et de la politique que l’on gouverne les états, non avec une lymphe acre et viciée. »

Une pareille lettre n’avait rien de consolant pour le roi de Hollande. Au moment où il la reçut et où il prenait quelques mesures, non suivies d’effet, pour négocier une abdication honorable en faveur de son fils, une affaire très peu grave en elle-même, mais qui le fut bientôt par les proportions qu’on lui donna, vint envenimer la situation. Un cocher hollandais au service de la légation de France et portant sa livrée fut insulté et menacé, à ce qu’il prétendit, par quelques hommes du peuple d’Amsterdam. Aussitôt le ministre de France prit feu, exigea une satisfaction éclatante, et en écrivit à l’empereur. On tâcha de le satisfaire, mais, chose étrange, il fut impossible de mettre la main sur un seul des auteurs de l’insulte faite à la livrée française, et aujourd’hui en Hollande l’opinion est que cette scène fut une pure comédie. On voulait avoir un grief, on le créa. Je n’oserais me prononcer. Le fait en lui-même n’a certainement rien