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d’invraisemblable ; mais il demeure constant que les recherches très actives de la police n’aboutirent pas, que l’individu se disant insulté et maltraité en public ne put ou n’osa donner aucun renseignement précis, et qu’on se vit dans l’impossibilité de punir des coupables qu’on ne parvenait pas à découvrir. En définitive, il n’y avait là qu’un incident de la dernière insignifiance, mais on en fit une affaire d’état. L’empereur le prit de très haut, et écrivit de Lille à son frère, le 23 mai, une lettre à cheval où il se plaignait que « les gens de son ambassade eussent été maltraités à Amsterdam. » — « Mon intention, ajoutait-il, c’est que ceux qui se sont rendus aussi coupables envers moi me soient livrés, afin que la vengeance que j’en tirerai serve d’exemple. » Il rappelait son ministre et envoyait ses passeports à Ver Huell. » Ce ne sont plus des phrases et des protestations qu’il ne faut. Ne m’écrivez plus de vos phrases ordinaires ; voilà trois ans que vous me les répétez, et chaque instant en prouve la fausseté. » Et en post-scriptum : « C’est la dernière lettre que de ma vie je vous écris. »

La brouille se consommait donc juste au moment où Louis avait fait tout ce qu’il pouvait pour apaiser son frère. Il dut penser alors plus d’une fois à un proverbe hollandais qu’il devait connaître, c’est que, « lorsqu’on veut battre un chien, on trouve toujours un bâton pour cela. » Bientôt les conséquences de la nouvelle attitude adoptée par Napoléon se révélèrent. Le maréchal Oudinot transféra son quartier-général d’Utrecht à Rotterdam, en conformité des instructions qu’il recevait de Paris, et sous le prétexte officiel qu’il devait poursuivre l’exécution des mesures destinées à tuer la contrebande. De là il annonçait l’intention de se transporter à La Haye et à Leyde. Louis frémissait à cette idée. Dans tous les cas, il ne pouvait admettre que les corps placés sous le commandement du maréchal français dépassassent cette dernière ville. Dans l’excès de son indignation et de sa douleur, il songeait sérieusement à défendre Amsterdam, et le plan de Kraijenhof, que celui-ci lui avait communiqué et dont il avait reconnu le mérite, exigeait que l’ennemi ne fût pas en avant de Leyde. Il faut rendre cette justice au maréchal Oudinot, que, tout en exécutant avec ponctualité les ordres dont il était chargé, il s’acquittait de sa pénible mission avec beaucoup de tact et de convenance. Il s’efforçait de ménager l’amour-propre du roi et de lui faire illusion sur la véritable portée d’une occupation qui faisait d’un commandant français un véritable proconsul de Hollande ; mais Louis ne pouvait se laisser tromper par ces formes polies. En fait., il se voyait dépossédé chaque jour d’une parcelle de son royaume. Ce fut bien pis quand le 29 juin, et contrairement aux assurances que lui avait récemment données M. Serrurier, resté