Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 88.djvu/476

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les syndicats qui existent, les associations de crédit ouvrières avaient subi des pertes considérables. Un très grand nombre de billets à Paris ne sont que des billets de complaisance sans garantie sérieuse. Il serait indispensable d’avoir des conseillers merveilleusement compétens pour vérifier la valeur de tout ce menu papier présenté à l’escompte. La concurrence a déjà réduit au minimum, de l’aveu des plus zélés coopérateurs, l’intérêt et la commission prélevés par les maisons de banque particulières ; ce n’est que le papier de rebut qui afflue aux sociétés coopératives. Même en faisant payer le loyer de l’argent 10 et jusqu’à 13 pour 100 avec les renouvellemens, elles n’arrivent qu’à la banqueroute. Le nombre des petits entrepreneurs en France n’est pas assez grand, leur position ni assez sûre ni assez nette pour qu’on puisse réussir en leur faisant des prêts. Ce serait à eux de se grouper par quartier et par profession, de se faire de modiques avances ; mais la coopération française a des prétentions plus vastes : elle recule devant ce rôle borné, elle veut des horizons illimités, elle se plaindrait volontiers que le monde lui manque. Entre les banques populaires d’Allemagne et les banques populaires parisiennes, le nom seul est commun, tout le reste diffère. On a essayé du crédit à la consommation, l’on a fondé des établissemens pour faire des prêts d’honneur aux ouvriers et employés ; il n’est pas de précaution que l’on n’ait prise pour assurer la réussite de ces institutions, on excluait les célibataires, on n’admettait que les hommes de bonne renommée et en mesure de restituer à court délai les sommes reçues. Efforts impuissans ! si ingénieux qu’aient été certains de ces projets, l’expérience en a démontré l’inapplicabilité. Il est des bornes à tout, même au crédit. Quelle qu’en soit la puissance, ce n’est pas encore lui qui peut éteindre le paupérisme.

Il faut avoir suivi de près le mouvement coopératif en France pour savoir que de plans chimériques se sont abrités sous le nom de coopération. C’est une réforme radicale du commerce que l’on cherchait et que l’on cherche encore à introduire. L’on s’est imaginé qu’il y aurait avantage à constituer une banque d’échange afin de faciliter la circulation réciproque de produits équivalens sans recours à la monnaie métallique ; on croyait ainsi pouvoir prévenir le chômage. D’autres pensaient réduire par là, dans des proportions considérables, l’intérêt des capitaux. Il y a trente ans environ, deux frères du nom de Mazel avaient inventé à Marseille un système de bons qui devaient rendre la monnaie inutile. Beaucoup de projets du même genre virent le jour dans les années suivantes. On proposa tour à tour de former une compagnie française de crédit public et de centralisation commerciale, ou bien encore une société mutuelle du commerce et de la banque réunis, une banque de compensation, un clearing-home parisien. Une maison de ce genre parvint à