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à la recherche d’un roi, et l’ambition de la Prusse, toujours à la poursuite des moyens d’étendre son influence. L’Espagne, on le sait bien, en est depuis deux ans à passer la revue des princes de l’Europe à qui elle peut offrir la couronne. Elle vit au milieu des candidatures qu’elle imagine ou qui se présentent d’elles-mêmes, et qui seraient toutes naturelles. Le roi dom Fernando de Portugal, celui de tous les princes qui, dès le premier moment, eût le mieux réussi, n’a pas voulu aller régner à Madrid. Les princes italiens, le duc d’Aoste, le duc de Gênes, ont refusé à leur tour ou l’on a refusé pour eux. Le duc de Montpensier est là toujours présent en Espagne, il a des partisans actifs, dévoués ; mais il n’a pu réussir jusqu’ici à enlever le succès. Le fils de la reine Isabelle, le prince des Asturies, est désormais un prétendant en titre par suite de l’abdication récente de sa mère ; mais les chefs de la révolution de 1868 se sont prononcés si souvent et si vivement contre une restauration bourbonnienne, que celui que l’on appelle Alphonse XII a pour le moment peu de chances de rentrer en Espagne, et don Carlos en a encore moins, de sorte que depuis deux ans l’Espagne est littéralement dans cette situation d’un pays qui s’obstine à maintenir la monarchie et qui n’a point de roi, qui ne peut pas obtenir les princes qu’il aurait acceptés et qui ne veut pas de ceux qui s’offrent à lui. Lorsqu’il y a un mois, les cortès, sur le point de se séparer et pressées d’en finir avec le provisoire, agitaient de nouveau cette question du choix d’un souverain, le général Prim, principalement chargé de ce rôle de faiseur d’un roi, prononçait un discours qui devient un trait de lumière aujourd’hui ; il racontait à mots couverts l’histoire d’une candidature mystérieuse sur laquelle il refusait de s’expliquer. Le prince dont il s’agissait et dont on ne disait pas le nom était tel que le voulaient les cortès, issu de race royale, catholique et majeur ; il réunissait, assurait-on, toutes les qualités. Malheureusement toutes les négociations engagées avec lui n’avaient conduit à rien. Une première fois le prince en question avait envoyé un plénipotentiaire, un « personnage distingué, » chargé de reconnaître le terrain ; mais le « personnage distingué » était arrivé à Madrid tout juste pour assister à une des séances les plus orageuses des cortès, et il avait pris immédiatement la fuite par le premier train sans regarder derrière lui. Bientôt cependant on obtenait l’envoi d’un second agent. Celui-ci, par une fatalité nouvelle, arrivait en Espagne au moment où éclatait la dernière insurrection de Barcelonne, et, comme le « personnage distingué » qui l’avait précédé, il repartait au plus vite, « fortement impressionné, » selon le langage du général Prim. On en était là le 11 juin ; tout semblait abandonné. Le général Prim avait tout l’air d’avoir raconté aux cortès une histoire picaresque. — Pas du tout, c’est au contraire à partir de ce moment que la chose devenait sérieuse, que la négociation se renouait et se hâtait au point d’arriver en quel-