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ques jours à son terme. Le 11 juin, rien n’était fait d’après le président du conseil de Madrid ; aux derniers jours du mois, tout était fini. La candidature mystérieuse, c’était celle du prince Léopold de Hohenzollern. Le gouvernement espagnol avait renouvelé ses offres, le prince avait accepté, le roi de Prusse avait autorisé le tout. Il ne manquait plus que deux choses, l’acquiescement des cortès, dont on ne doutait pas, et la complaisance débonnaire de la France en face d’un dénomment si bien fait pour la surprendre.

On peut certainement admettre que le gouvernement espagnol, à bout de moyens et ne sachant plus guère de quel côté se tourner, eût le droit de chercher un prince là où il espérait le trouver. Le prince de Hohenzollern était sa dernière ressource ; il réunissait d’ailleurs certaines conditions bien faites pour le désigner au trône d’Espagne. Il est catholique, comme on le dit ; il est majeur à coup sûr ; il est marié avec une princesse portugaise, et il apprend l’espagnol depuis quelque temps. Ce sont là des qualités fort recommandables, surtout si on ajoute que le prince passe pour jouir d’une fortune personnelle très considérable. Il faut en convenir cependant, le général Prim a fait preuve d’une singulière étourderie en se lançant ainsi dans une telle aventure sans savoir où il allait, en ne prévoyant pas que la France aurait quelque chose à dire, ou en se figurant qu’il n’y avait qu’à se presser pour déjouer tous les obstacles. La candidature du prince de Hohenzollern laissée à elle-même eût-elle réussi dans les cortès ? Cela est encore fort douteux. Le moins qui aurait pu arriver, c’eût été le déchaînement peut-être immédiat de toutes les prétentions rivales, c’est-à-dire la guerre civile, une guerre où l’on n’eût pas manqué d’irriter les passions nationales contre le roi étranger, contre un prince dont les bouches espagnoles peuvent à peine prononcer le nom. Ainsi voilà où les chefs de la révolution de septembre ont conduit en deux ans leur pays : une guerre civile menaçante et une rupture possible avec la France. Le général Prim, avant d’engager cette partie aventureuse, aurait dû prévoir qu’il préparait à son pays une inévitable déception, que sa combinaison ne pouvait pas réussir, non pas parce qu’on songerait à porter la moindre atteinte à l’indépendance espagnole, mais parce que le gouvernement français se sentirait blessé de la présence possible d’un prince prussien à Madrid, et des procédés qu’on avait employés pour faire triompher cette candidature.

Comment imaginer en effet que la France pût consentir tranquillement à se voir enveloppée d’une ceinture dont les deux bouts seraient dans la main de la Prusse, qu’elle pût accepter cette extension de l’influence prussienne, déjà prépondérante en Allemagne, et allant maintenant s’établir à Madrid sous le déguisement d’une royauté indépendante ? Ce qu’elle ne pouvait admettre davantage, c’est ce procédé de surprise auquel on a eu recours, c’est ce secret dont on s’est