Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 88.djvu/668

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la gorge. La jupe, de nuance foncée, supporte un large tablier noir gommé. La coiffure est en harmonie avec l’âge et la condition. Quant aux bottes les chants en parlent de façon à montrer qu’il s’agit ici d’un détail véritablement essentiel. Une jeune Magyare interrogée répond fièrement : « Je suis (fille) de juge, — je porte des bottes jaunes. » Une autre, dont la constance et l’amour pour André, un jeune homme pauvre, sont exaltés avec justice, après avoir repoussé les dons d’un colonel, refusé même un « anneau resplendissant, » pousse le désintéressement jusqu’à déclarer qu’elle n’a aucun besoin de bottes rouges. Lorsqu’une personne a dédaigné de tels « présens d’Artaxerxès, » il va sans dire que les bœufs, la maison, etc., la laissent complètement insensible.

L’attention accordée aux danseuses ne fait jamais oublier l’hôtesse de la csárda. Un enthousiaste s’écrie « qu’elle tue avec ses regards, » tout en ajoutant d’un ton mélancolique « qu’elle ment avec le sourcil. » Un autre, moins défiant, lui dit : « Madame l’hôtesse brunette, — apporte un peu de vin, mon ange ! — J’ai lu dans ton œil, — tu m’aimes avec l’on cœur pur. » Quelle tristesse fait naître dans l’âme d’un poète contemporain la csárda délaissée ! » — « O ruine abandonnée, vaste, ô csárda à la lisière du bois, — comme est changé l’on nom fameux !… — Où est la petite femme, où est la fille joyeuse, — celle pour l’amour de laquelle je faisais souvent des débauches ? — À cause de ses regards sourians, — le voyageur allait d’Orány vers cet endroit… — La petite fille tournait comme tourne le fuseau, — pleine de bon vin venait sa cruche ornée ; — de baisers je couvrais ses lèvres rouges, — je baisais son cou de lis. »

Le visage basané des-gens qui se pressent à la csárda rappelle, comme leur langue, la race dont ils sont sortis ; mais leurs traits, quoique accentués, sont assez réguliers pour qu’au premier coup d’œil on soit frappé des modifications que cette race a subies sous la double influence du milieu et des alliances. Leurs yeux étincelans, leur moustache fournie et toujours retroussée, leurs cheveux longs et noirs comme l’aile du corbeau, leur donnent un air martial qui n’est nullement trompeur. Les cheveux sont parfois tressés, et les corps de : hussards transportés en France par les proscrits magyars sous le règne de Louis XIV y avaient conservé l’usage de natter leurs cheveux, ainsi que le prouvent les vieilles gravures. Les anciens Magyars ornaient ces nattes de bandelettes. — L’habitude turque de se faire raser la tête a disparu avec la domination autrichienne. Il n’en est pas de même de la prédilection pour la toile, que les Huns avaient déjà au Ve siècle. L’habitant de la puszta porte le large caleçon de toile, frangé à l’extrémité et flottant sur la botte montante qui, à une certaine distance, rappelle la foustanelle des