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Avant la mission de M. Wurtz, M. Duruy était informé d’une manière générale de l’activité qui se déployait dans le monde civilisé en faveur des sciences, pour former des hommes distingués en les pourvoyant de grands moyens d’expérimentation et pour accélérer le mouvement des découvertes. Dans son désir de conserver à la France le rang élevé qu’elle avait conquis dans l’enseignement supérieur des sciences, il aurait voulu qu’au lieu de le réduire, dans le budget, aux miettes du festin, on lui accordât pour ce chapitre spécial des allocations en rapport avec l’importance du sujet. Il échoua dans ses tentatives successives. Le refus venait des ministres des finances, toujours portés par position à l’économie, mais qui ici, au lieu d’être stimulés par leurs collègues à se montrer généreux, les trouvaient pour la plupart coalisés contre le titulaire de l’instruction publique. M. Duruy alors essaya l’impossible, de faire quelque chose avec rien. Il institua l’école pratique des hautes études par décret du 31 juillet 1868. Cette école, sans local attitré, aurait profité des établissemens déjà existans. En ce qui concerne les sciences, elle y aurait eu, pour son compte des laboratoires de deux sortes : les uns pour l’enseignement courant, les autres, dits de recherche, où on aurait mis les étudians doués d’une vocation prononcée, ayant déjà fait leurs preuves, à même de se livrer à leurs investigations en suivant leur propre pensée. M. Duruy obtint en tout 100,000 francs pour son grand œuvre, qui devait briller à la fois dans les départemens et à Paris et avoir plusieurs foyers d’activité dans la capitale. 100,000 fr., tandis que tel des laboratoires étrangers avait eu dix ou quinze fois autant ! D’après le rapport de M. Chesnelong sur le budget de 1871, en 1869 on a dépensé dans trente-six centres d’études 128,000 francs. On en installe en 1870 quinze nouveaux avec une dépense de 176,000 francs, et le budget de 1871 porte pour l’amélioration de l’enseignement supérieur une somme de 119,000 francs, qui n’est pas réservée en totalité à l’objet qui nous occupe. Comptons-la cependant tout entière. Nous voilà arrivés à un total de 423,000 francs, qui représente le summum des efforts de l’empire français pour maintenir vis-à-vis de l’Europe son prestige scientifique !

La négligence dont l’enseignement des sciences a souffert pendant les dix-huit ou vingt dernières années, outre ses autres inconvéniens, qui sont flagrans, aurait pu devenir une cause d’affaiblissement militaire en face d’un adversaire qui a toujours été très éveillé sur ce point, et dont toutes les facultés étaient tendues pour le perfectionnement de ses institutions guerrières. Il n’est pas impossible qu’il ait dans son armement des détails avantageux auxquels nous n’aurions pas pensé. Si je dis des détails, c’est que je