Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 88.djvu/735

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en adressant à M. Guerry, successeur de l’évêque, ses complimens de condoléance et ses félicitations. »

Tel était le fruit des premiers efforts du prince, lorsque sa politique intelligente fut entravée par les intrigues de ses rivaux. Le parti rétrograde ne cessait de taxer de lâche complaisance et même de trahison sa fidélité à remplir les engagemens contractés avec les étrangers. On représentait l’opinion publique comme surexcitée par suite de l’attachement du peuple aux anciennes mœurs, aux anciennes lois, et par sa haine persistante contre les « barbares. » On disait d’ailleurs aux impératrices régentes que le prince était trop puissant, et absorbait la popularité du jeune empereur ; puis, l’indemnité de guerre étant payée, on ne voyait plus les étrangers que de loin, et, le courage étant revenu avec l’éloignement du péril, on croyait pouvoir traiter avec moins de ménagemens un homme d’état qu’on eût blâmé, s’il n’avait pas réussi, mais qu’on aimait d’autant moins qu’il avait eu plus de succès. Au mois d’avril 1865, la Gazette officielle de Pékin publie un décret qui prive le prince Kong de son rang et de ses dignités, « en considération de ses velléités d’indépendance. » Le chef du parti de la résistance, le général tartare battu à Pa-li-kao, triomphe, et son retour à la direction des affaires va bientôt être caractérisé par les signes les plus certains d’hostilité contre les étrangers. Sa politique est du reste puissamment aidée par un événement prévu et préparé depuis la mort de l’empereur Hien-foung : je veux parler de l’enterrement officiel de ce souverain.

On sait que chaque empereur défunt de la dynastie régnante doit avoir pour dernière demeure un véritable palais funéraire. On travaillait au tombeau de Hien-foung depuis l’époque de son décès. Ce monument, qui a coûté, dit-on, plus de 30 millions, était achevé, et la principale préoccupation du moment était de tout ordonner pour les grandes cérémonies de la sépulture. Or les Chinois, fort sceptiques et plus philosophes encore que païens, ont la religion des tombeaux. Les honneurs à rendre aux ancêtres sont leur unique culte. Ils vivent avec la pensée constante de la mort. Le trépas ne leur cause aucune répugnance, et, dans leurs jours de joie, ils s’occupent volontiers, avec leurs amis et leurs parens, de choisir le lieu de leur dernier repos ; ils achètent d’avance ou ils reçoivent avec plaisir comme cadeau de leurs proches un cercueil bien capitonné, où ils aiment à se ménager une couche moelleuse pour le sommeil de l’éternité.

L’approche des funérailles du souverain défunt inspirait donc non-seulement à la cour des impératrices, mais encore au peuple tout entier, un sentiment de respect qui s’étendait jusqu’à la politique que Hien-foung avait patronnée. Et cependant cette politique