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a cessé avec les circonstances qui l’avaient créé ; mais la principale cause de la misère, « c’est l’imprévoyance du peuple et la fausse moralité inculquée par le clergé catholique, qui recommande les mariages précoces, afin de prévenir tout commerce illicite. — Le monde, ajoute Lewis, toujours prêt à trouver de mauvais motifs à toute chose, attribue cette doctrine du clergé en Irlande et ailleurs au désir qu’il a d’augmenter le nombre de ses tributaires. Ses sermons là-dessus sont, à mon avis, entièrement désintéressés. Ils procèdent de la conviction erronée, mais sincère, qu’il accomplit en cela un impérieux devoir de religion. Je ne suis pas bien sûr que le clergé protestant ne prescrirait pas la même conduite, si la pratique de la confession lui donnait le moyen de faire prévaloir ses commandemens. »

il semble assez singulier de parler des difficultés d’une enquête dans une île de 120,000 habitans. Le fait est cependant qu’entre des plaintes passionnées, parfois incompréhensibles, et le mauvais vouloir de fonctionnaires intéressés à épaissir les ténèbres, la vérité n’était pas facile à découvrir. Les commissaires se trouvaient d’ailleurs en présence d’institutions compliquées, de coutumes, de principes, qui ne ressemblaient en rien à ce qui existe en Angleterre ; la moindre question exigeait de leur part une étude spéciale et attentive. Ajoutez à cela des difficultés d’un ordre tout à fait imprévu. Il n’y avait point dans l’île de liberté de la presse, le gouvernement n’autorisait de journal que sous son inspection, toute discussion politique était rigoureusement interdite. La bonne administration des affaires, la réconciliation des Maltais avec l’autorité de l’Angleterre, réconciliation facile, puisque les Maltais n’avaient point contre elle d’aversion insurmontable, l’intérêt du gouvernement central, tout réclamait une prompte réforme de ce régime. Les commissaires y étaient disposés. Tout à coup l’Autriche découvre là pour elle un danger, M. de Metternich voit déjà Malte devenue le refuge des conspirateurs italiens et une officine de libelles contre l’ordre autrichien : il fait des représentations au gouvernement anglais, et peu s’en faut un instant que la liberté de la presse à Malte ne devienne une question européenne. Les commissaires l’emportèrent, et la liberté de la presse fut établie, mais tempérée par de sévères précautions : trois ou quatre réfugiés italiens furent avertis que le moindre écart entraînerait leur expulsion. La patience des commissaires résista heureusement à ces épreuves. Lewis comprenait que la mission qui leur était confiée n’intéressait pas seulement les Maltais. Depuis trente ou quarante ans, l’influence morale de l’Angleterre dans la Méditerranée avait souffert de la conduite du gouvernement à l’égard de la Sicile,