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Voyons maintenant l’influence de la lumière sur la couleur de la peau des animaux, et parlons d’abord de l’être qui à cet égard offre les particularités les plus bizarres, du caméléon. Cet animal éprouve en effet, dans le courant d’une même journée, des modifications de couleur très nombreuses. Depuis Aristote, qui rapportait ces changemens à un gonflement de la peau, et Théophraste, qui les attribuait à la peur, jusqu’à Wallisnieri, qui leur assigne pour cause le mouvement des humeurs à la surface du corps de l’animal, les opinions les plus diverses ont été produites à ce sujet. M. Milne Edwards, il y a une trentaine d’années, les expliqua par des inégalités successives dans la proportion des deux matières, l’une jaunâtre et l’autre violacée, qui colorent la peau de ce reptile, inégalités dues au changement de volume des cellules très aplaties qui contiennent ces substances colorantes. M. Brucke, qui a repris ces études, a démontré que les couleurs du caméléon sont dues aux dispersions multiples de la lumière solaire dans les cellules colorées, c’est-à-dire à la production du même phénomène qui s’observe dans les bulles de savon et dans toutes les lames minces. Les teintes du caméléon proviennent donc des jeux du soleil dans les substances jaunes et violettes distribuées avec un art particulier sous son épiderme ridé. Il passe de l’orangé au jaune, du vert au bleu, par une série de nuances chatoyantes et irisées, subordonnées à l’état de la radiation diurne. L’obscurité le fait pâlir, le demi-jour marbre son corps des plus fines nuances, le soleil le noircit. Une portion de peau froissée ou contusionnée reste noire et ne blanchit plus à l’obscurité. M. Brucke s’est d’ailleurs assuré que la température n’a aucune influence sur ces phénomènes.

Tous les animaux qui ont un pelage ou des plumes ont le dos plus foncé et plus coloré que le ventre. Leurs couleurs sont aussi plus intenses en été qu’en hiver. Les papillons de nuit n’ont jamais la teinte brillante des diurnes, et parmi ces derniers, ceux du printemps ont des nuances plus claires, plus fraîches, que ceux de l’automne. La poussière d’azur et d’or qui les pare suit la tonalité des couleurs de la nature ambiante. Les oiseaux de nuit également ont un plumage sombre, et la mollesse de leurs tégumens contraste avec la rigidité de celui des oiseaux de jour. Les coquilles abritées sous les rochers ont des nuances pâles comparativement à celles qui s’abreuvent de lumière. Nous avons parlé plus haut des animaux des cavernes. Quelle différence entre ceux des régions froides et ceux des pays équatoriaux ! Le coloris des oiseaux, des mammifères et des reptiles qui peuplent ces immenses forêts ou qui bordent ces grands fleuves de la zone torride est d’une richesse éblouissante. Au nord, ce sont des teintes grises, mates, peu variées,