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commande le col de la plaine des Andalouses, nos marins s’en tirèrent à merveille. Cet exploit ne fut pas le moins rude ; des arêtes de tous les contreforts partaient des feux nourris tirés par des mains invisibles : chaque bloc de rocher, chaque touffe de palmier nain cachait une arme qui éclatait à l’improviste. Que faire ? Naturellement riposter, opposer bloc de rocher à bloc de rocher, palmier nain à palmier nain, jusqu’à ce que le jeu cessât et que l’ennemi fût débusqué de toutes ces arêtes si bruyamment garnies. La besogne venait d’être achevée, quand les sonneries annoncèrent une halte et un répit dans le combat.

Cependant cette suite d’embuscades avait eu pour spectateurs, outre la ville entière d’Oran, accourue à pied, en voiture ou en bateaux à vapeur, un certain nombre de personnes formées en groupe sur une hauteur qui dominait le lieu de la scène ; c’étaient des officiers de l’escadre et de la garnison réunis autour du gouverneur de la province et du commandant en chef de l’escadre. Pas un mouvement des champions qui eût échappé à l’œil de ces bons juges, et auquel ils n’eussent applaudi quand il était bien exécuté. L’ordre de surseoir aux feux était parti de ce groupe, et l’intermède fut bien rempli. Pendant que les combattans réparaient leurs forces avec les gamelles de café préparées par les zouaves et l’accompagnement d’eau-de-vie qu’y ajoutaient les équipages, le couvert se dressait pour les états-majors par les soins du vice-amiral Jurien. On y fit largement honneur aux cantines de l’escadre, et de ces sommets qui dominaient la rade, la ville, les camps, des toasts furent portés à l’union des deux armées. L’amiral remercia les troupes de terre de la leçon de tactique qu’elles venaient de donner à nos marins, le général félicita les marins de la manière dont ils avaient conduit leur petite expédition, après quoi on songea à la retraite. Elle fut naturellement moins compliquée et moins laborieuse que les opérations du début. Le soleil descendait à l’horizon, et il fallait profiter des dernières heures du jour pour regagner le bord. Quelques passes d’armes de la cavalerie durent suffire comme aliment à la curiosité des milliers de spectateurs qui n’avaient pas bougé de leurs observatoires, dont les gradins figuraient assez bien un cirque ouvert dans la baie. Peu à peu, les compagnies de fusiliers dégarnirent les arêtes, vidèrent les escarpemens, se reformèrent dans le même ordre que le matin, et, trouvant la plage libre, s’y rembarquèrent sans autre aventure. On avait évidemment, à la satisfaction de tous, vainqueurs et vaincus, épuisé le programme.

Cet épisode n’a d’intérêt que comme échantillon d’une idée heureuse, l’identification des deux armées de terre et de mer : non pas que depuis longtemps on n’ait songé à cette identification, mais comma l’on songe à tant d’autres choses, en projet et sans trop