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a cherché à comprendre l’histoire de l’homme et des civilisations dans celle de la nature entière. Il a réuni dans un même système le développement de l’intelligence humaine, des arts, des sciences, de la morale, à la formation de la terre et de l’univers, à la création. Les catastrophes, les révolutions, les bouleversemens, portent la plupart des mêmes noms en politique et en géologie ; ne représentent-ils pas en effet les mêmes choses ? Le nom d’histoire même s’applique à ces deux sciences. Les causes et les lois de ces grands faits, dans les deux cas, ne pourraient-elles pas être identiques ? Longtemps le naturaliste s’est borné à la description des espèces vivantes et du monde actuel, longtemps l’historien n’a pu pénétrer très loin dans l’histoire des âges. Aujourd’hui tout est changé, et la géologie nous apprend à connaître un état du monde fort différent du nôtre, nous en montre les transformations successives, tandis que nous retrouvons aux peuples des origines inconnues. Ces conceptions nouvelles des historiens et des naturalistes ne peuvent-elles pas réagir sur toutes nos connaissances ? L’histoire civile doit-elle être pareille pour ceux qui bornaient au présent leurs recherches et pour ceux qui ont fait revivre des mondes disparus ? La philosophie et la science de l’homme ont dû profiter de tant de travaux. Les lois de toutes les sciences historiques, dans lesquelles des événemens sont racontés qui successivement paraissent être des effets et des causes, doivent se ressembler. Le monde se forme et s’améliore peu à peu, comme les peuples se sont améliorés et constitués. Partout le progrès a été arrêté sans cesse, obscurci, indécis ; partout cependant il a été réel, partout la terre et l’humanité ont gagné en production, en beauté, en puissance. Ne peut-on chercher une règle générale à ces transformations et l’appliquer également à l’homme et au monde ? Puisque la science de la nature est devenue une histoire, on lui peut appliquer les lois historiques ; puisque l’histoire est une science, on en peut chercher les lois scientifiques.


I

Les temps sont changés, et tous les genres, grâce au ciel, se sont unis et confondus. M. Quinet en donne un exemple éclatant. C’est un des caractères de notre temps qu’une telle alliance soit possible, et une partie scientifique se joint souvent aux ouvrages qui en eussent été complètement dépourvus autrefois. Les hommes de lettres ne sont plus séparés des hommes de science. Au siècle dernier, il était bien arrivé à certains auteurs, à Fontenelle, à Diderot, d’écrire avec quelque soin l’exposé des découvertes, de les rendre intelligibles et agréables. Voltaire a donné en ce genre les plus brillans