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principe d’unité avant que Geoffroy Saint-Hilaire ne l’eût démontré pour les animaux. Ils savaient aussi que certaines qualités sont dominantes et d’autres accessoires avant que Cuvier n’eût établi la subordination des caractères. Enfin ne remarque-t-on pas qu’un peuple qui, par une révolution, une invasion, une alliance, a paru rompre absolument avec le passé et former presque un peuple nouveau revient souvent, au moins pour un temps, à l’ancienne forme de ses ancêtres ? C’est le principe de toutes les réactions, de toutes les restaurations qui se reproduisent dans l’histoire avec la régularité des lois naturelles. La zoologie et la botanique ne nous apprennent-elles pas aussi qu’un caractère qui semble perdu pour jamais dans un genre de plantes ou d’animaux reparaît fatalement après quelques générations ? Les descendans ne ressemblent pas toujours à leurs parens les plus proches, mais à quelque ancêtre ou à quelque collatéral qui descend du même auteur. Ce retour ou atavisme a été observé dans des races qui n’ont jamais été croisées, mais qui, par variation, ont perdu quelque caractère qu’elles possédaient autrefois, et qui reparaît ensuite. On le rencontre aussi lorsqu’après un croisement un caractère particulier a été imposé à une race. Ce caractère peut disparaître pendant un certain temps par des croisemens nouveaux, mais revient le plus souvent. L’âne est encore quelquefois rayé comme l’étaient ses ancêtres sauvages, quoique ses proches ne le soient point ; les cornes reparaissent de temps en temps chez les moutons southdown et chez les vaches de Galloway et de Suffolk, chez lesquels la sélection a supprimé cet appendice inutile à la production du lait et de la viande. C’est une sorte de réaction qui ne dure pas plus longtemps que les réactions ne durent. Dans l’un et l’autre cas, le progrès s’interrompt pour reprendre. Le monde, pas plus que les hommes, n’a suivi une route directe vers la perfection depuis le jour où l’univers était gazeux et brûlant jusqu’à la naissance des mers et des continens, depuis la barbarie jusqu’à la civilisation.


III

On peut conclure assez naturellement de ces ressemblances entre les parties connues de l’histoire naturelle et de l’histoire politique à la possibilité de perfectionner l’une par l’autre ces deux sciences. Certains problèmes sont plus faciles à résoudre par la paléontologie, d’autres paraissent plus clairs à l’historien. Il faut profiter de ces deux manières de savoir. Autrefois on ne connaissait le monde que sous sa forme actuelle. Nous avons pénétré fort au-delà, et la science nouvelle doit nous aider à mieux juger les hommes et les choses des temps les plus reculés. Non-seulement l’histoire du globe