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qu’en temps ordinaire on néglige d’employer. Presque toutes les plantes et leurs principaux produits ont été analysés par les chimistes, et nous savons aujourd’hui que beaucoup de matières végétales qui vont à la fosse au fumier pourraient contribuer aussi avantageusement à la nourriture des animaux que la plupart de celles que l’on utilise pour leur alimentation. Il s’agit donc d’en essayer l’emploi, de s’ingénier à les faire accepter par le bétail. Un cultivateur intelligent peut ne rien laisser perdre dans sa ferme ; en mélangeant les alimens durs, peu sapides, avec de l’herbe, des résidus frais, en faisant cuire ou fermenter le mélange, il formera une nourriture qui lui rendra de grands services pendant la disette des fourrages.

Les pailles des céréales ont toujours été données au bétail ; mais dans beaucoup de fermes on n’en tire pas tout le parti qu’on pourrait en tirer, si on les soumettait à l’action du hache-paille pour les faire entrer dans les mélanges alimentaires. Les pailles dures de plusieurs plantes de la famille des crucifères et des légumineuses, les siliques et les gousses de ces mêmes plantes, hachées ou écrasées, et mêlées à des alimens pulpeux soumis au besoin à la fermentation ou à une simple macération, peuvent donner une grande quantité de bonne nourriture. La paille du sarrasin est surtout mal utilisée, même dans les pays pauvres ; elle ne forme le plus souvent qu’un mauvais engrais, car on la laisse se perdre en partie dans les cours et les fossés. C’est le cas de l’employer cette année pour nourrir les bestiaux ; en la récoltant avec soin et en la stratifiant avec le peu d’herbe que donneront dans l’arrière-saison les prairies basses, on peut se procurer une ressource utile pour l’hiver.

Ce n’est pas le moment de recommander la culture du topinambour, — on plante les tubercules au printemps ; — mais c’est le moment d’insister sur l’emploi que l’on peut faire de cette précieuse plante, qui donne de si abondans produits dans des sols où la plupart des végétaux utiles meurent de misère. Le topinambour n’est jamais assez cultivé ; les tubercules, après avoir fourni de l’eau-de-vie par la distillation, donnent un bon résidu : tous les animaux les recherchent, surtout quand ils sont crus ; mais ce qui est important cette année, c’est le service que peuvent rendre les feuilles et les tiges du topinambour pour nourrir les animaux. Les premières, quoique minces, donnent, en raison de leur ampleur, beaucoup de produits ; tous les animaux les mangent fraîches ou sèches. De très judicieux agronomes ont conseillé de faire des champs de topinambours, afin d’avoir des pâturages frais pour les moutons en août et septembre. Si on coupe la tige avant la chute des feuilles, on obtient des feuillards qui peuvent être consommés en totalité par les